Climat: au peuple de montrer la voie
En apparence, c’est un texte qui a perdu beaucoup de son acuité. L’initiative sur les glaciers, qui vise la neutralité climatique d’ici à 2050, a été rattrapée par l’actualité. Le Conseil fédéral, qui a longtemps été très frileux pour mettre en oeuvre les engagements qu’il a pris lors de la conférence sur le climat en 2015 à Paris, a fini par se rallier à cet objectif en août dernier, juste avant que le président de la Confédération participe à la session de l’Assemblée générale de l’ONU à New York.
C’est loin, 2050, surtout à l’heure où les divers rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) appellent à décréter l’urgence d’agir sans tarder. Même au centre de l’échiquier politique, les Vert’libéraux visent la neutralité climatique en 2040. Quant aux milieux environnementaux, ils sont encore plus ambitieux. Les «grévistes du climat» fixent cette échéance à 2030 et le mouvement Extinction Rebellion même à 2025.
Pourtant, cette initiative sur la protection des glaciers garde tout son sens. Non seulement elle maintient la pression sur un monde politique qui ne pensera qu’à lui opposer un contre-projet le plus «indolore» possible, mais elle l’oblige aussi à prendre des mesures concrètes sans tarder.
Le 20 octobre dernier, le peuple a donné un signal fort en accordant plus de 20% de ses suffrages à deux formations écologistes. Dans cette logique, il apparaît cohérent qu’il se prononce pour fixer les objectifs à atteindre et les moyens d’y parvenir.
Il aura bientôt deux occasions de le faire. En dehors de cette initiative, il pourra aussi trancher dans un an environ sur la loi sur le CO2, qui contiendra plusieurs mesures importantes pour atteindre l’objectif de Paris. Le peuple sera-t-il d’accord avec une hausse du prix de l’essence de 10 à 12 centimes le litre et avec une taxe plus ou moins symbolique sur les billets d’avion? Peut-il s’imaginer un pays se privant d’énergies fossiles dans 30 ans? Y verra-t-il un investissement préservant l’avenir des générations futures ou au contraire des coûts pénalisant le pouvoir d’achat de la classe moyenne? Ces deux scrutins recèlent des enjeux plus importants que le débat sur l’entrée des Verts au Conseil fédéral.
La Suisse a tous les atouts pour relever ces défis: des porte-voix comme Bertrand Piccard ou Jacques Dubochet, le savoir-faire technologique et les ressources financières. Il ne manque que la volonté politique. Et comme le Conseil fédéral n’a jusqu’ici pas brillé par son courage, ce sera au peuple de montrer la voie.