Le Temps

LES VIGIES DU «TEMPS»

FACE À UNE ACTUALITÉ INTERNATIO­NALE QUI S’ACCÉLÈRE, NOTRE RÉSEAU DE CORRESPOND­ANTS JOUE UN RÔLE DÉTERMINAN­T

- MARC ALLGÖWER

Certains appels vous restent en mémoire. Novembre 2019: à l'autre bout du fil, Boris Mabillard, envoyé spécial du Temps dans la partie kurde du nord-est de la Syrie. Posément, il raconte qu'un attentat à la voiture piégée a soufflé les vitres de son hôtel à Qamichli. Au moment de l'explosion, il était heureuseme­nt en reportage dans une autre localité. Le lendemain, Anne-Sophie Labadie appelle de Hongkong. Une manifestat­ion dégénère. Derrière elle, le vacarme de la rue, entrecoupé de tirs de gaz lacrymogèn­es. Chaque jour, nos correspond­ants apportent les soubresaut­s de l'actualité internatio­nale jusqu'en rédaction. Ces vigies forment l'exosquelet­te du journal, elles lui permettent de se projeter autour du monde pour tenter d'y déceler l'essentiel au milieu de l'important.

CINQUANTE JOURNALIST­ES

A chaque instant, un message ou un e-mail peut signaler que la journée a pris un tour imprévu et nécessite une évaluation: faut-il bouleverse­r les pages internatio­nales? Si l'événement a une portée majeure, faut-il solliciter le Temps fort, cette troisième page qui est aussi l'une des vitrines du journal? Le choix s'opère selon plusieurs paramètres: l'importance du pays concerné dans le système internatio­nal, la proximité de l'événement avec la Suisse et sa capacité à résonner avec notre lectorat ou encore la surprise suscitée par une informatio­n originale.

Mais l'arbitrage dépend aussi des forces à dispositio­n sur le terrain. Le réseau du Temps repose d'abord sur deux correspond­ants salariés: Richard Werly à Paris et Valérie de Graffenrie­d à New York. La France, par sa proximité avec la Suisse romande, et les Etats-Unis, par leur rôle crucial, demeurent des priorités éditoriale­s incontourn­ables. S'y ajoutent cinquante journalist­es disséminés sur les cinq continents, dont une quinzaine sont des contribute­urs réguliers. Tous sont rémunérés à l'article et collaboren­t souvent avec plusieurs médias francophon­es. A ce dispositif se greffent ceux des titres avec lesquels nous collaboron­s, Le Monde et Libération.

Voilà pour la théorie. Dans la pratique, la couverture internatio­nale d'un média comme Le Temps est en concurrenc­e avec une pléthore de sources. Les réseaux sociaux regorgent d'informatio­ns plus ou moins fiables. Souvent, ils servent de signaux avant-coureurs, par exemple lorsqu'un pays est en proie à une contestati­on croissante. De leur côté, les agences comme Reuters ou l'AFP fournissen­t un flot continu de dépêches. Leur maillage très serré est essentiel pour recouper et vérifier des faits lointains. Autant de sources supplément­aires et autant de concurrent­s sur le créneau déjà engorgé de l'actualité internatio­nale. Le constat est clair: face à une telle avalanche, rien ne sert d'être exhaustif.

CHOIX DRACONIENS

L'heure des choix draconiens – et donc forcément discutable­s – a sonné. Elle met nos correspond­ants à rude épreuve. Ils le savent: hormis une actualité brûlante où la simple relation des faits suffit, il leur faut débusquer un angle original qui permettra à leur propositio­n de se différenci­er parmi les dizaines d'autres reçues chaque jour.

L'écueil est encore plus grand avec ces dossiers qui prennent l'air de feuilleton­s sans fin. Eric Albert, notre correspond­ant à Londres, racontait il y a quelques semaines sa circonspec­tion face aux allers-retours de l'infernale mécanique du Brexit. Le questionne­ment ressurgit avec Richard Werly face au mouvement des gilets jaunes ou avec Valérie de Graffenrie­d lorsqu'un énième rebondisse­ment ébranle l'administra­tion Trump. Faut-il s'en emparer cette fois-ci? Vaut-il mieux attendre? L'exigence est toujours la même pour nos vigies. Celle de distinguer l'essentiel au milieu de l'important.

@marcallgow­er

 ??  ?? Des policiers anti-émeute sous l’oeil de journalist­es à Hongkong, le 27 octobre.(KIM KYUNG-HOON/REUTERS)
Des policiers anti-émeute sous l’oeil de journalist­es à Hongkong, le 27 octobre.(KIM KYUNG-HOON/REUTERS)

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland