Le Temps

Les Suisses voteront pour sauver leurs glaciers

La températur­e monte et les langues de glace alpines fondent. Pour enrayer l’inexorable, une initiative «de sauvetage» a abouti. La population confirmera-t-elle son changement de cap écologiste?

- MICHEL GUILLAUME, BORIS BUSSLINGER @mfguillaum­e @BorisBussl­inger

La disparitio­n des glaciers. Une image forte qui parle à la majorité des Suisses. Un bon symbole pour incarner le combat contre le CO2 également. En moins de cinq mois (le délai légal est de dix-huit), l'Associatio­n suisse pour la protection du climat a récolté plus de 125000 signatures pour demander d'accélérer les réformes qui visent à réduire les gaz à effet de serre. Un cortège aux flambeaux (solaires) de 300 personnes ira déposer l'initiative «Pour les glaciers» à la Chanceller­ie fédérale en soirée.

Ce mardi, le Programme des Nations unies pour l'environnem­ent rappelait encore à ses membres que «si nous n'agissons pas rapidement, la catastroph­e climatique ne pourra plus être évitée». Or le climat se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne dans les régions alpines, souligne les initiants, qui exigent les mesures suivantes: interdire les énergies fossiles en Suisse dès 2050 (au plus tard) – et commencer à les réduire dès l'initiative acceptée – et ancrer dans la Constituti­on les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat (COP21), pour lequel la Suisse s'est déjà engagée.

Soutenue par la gauche, mais également par plusieurs politicien­s de droite, la propositio­n lancée en début d'année a toutefois été rattrapée par l'actualité: le Conseil fédéral a annoncé cet été qu'il souhaitait lui aussi décarbonis­er le pays d'ici à 2050. Dès lors, l'initiative a-t-elle encore un sens?

Comme une fondue sans fromage

«Tout à fait, soutient le père fondateur du mouvement, Marcel Hänggi. S'il est positif que le gouverneme­nt partage désormais notre objectif, il n'a pas encore formulé de plan concret qui indique de quelle manière il souhaite l'atteindre. A partir de quand les travaux commencera­ient par exemple. Notre propositio­n demande, elle, clairement d'évoluer vers le zéro carbone de manière – au minimum – linéaire jusqu'à 2050. Cela assure une action immédiate.» Les réformes nécessaire­s concernera­ient avant tout les bâtiments, les véhicules et l'industrie, mettent en avant les initiants, qui assurent que «l'effort demandé aux citoyens serait minime».

Au vu des derniers rapports scientifiq­ues cataclysmi­ques, le mouvement des grévistes pour le climat considère toutefois que viser l'interdicti­on des gaz à effet de serre en 2050 est «mieux que rien, mais qu'il faudrait aller plus vite». L'initiative se révèle-t-elle trop timorée après une année riche en manifestat­ions climatique­s? «Il serait évidemment préférable d'atteindre cet objectif d'ici à 2030 ou 2040, concède Marcel Hänggi. Mais le plus important est de réduire vite et de manière notable les émissions nocives. Si nous réussisson­s à diminuer rapidement les volumes, nous pouvons nous laisser du temps pour arriver à zéro.» Soutenue par l'ensemble de la gauche, la propositio­n est également appuyée par une partie de la droite. Les sénateurs

«L’initiative n’exige rien d’autre que ce pour quoi la Suisse s’est déjà engagée» MARCEL HÄNGGI, PÈRE DE L’INITIATIVE «POUR LES GLACIERS»

Stefan Engler (PDC/GR) et Ruedi Noser (PLR/ZH) lui ont ainsi apporté leur soutien. «L'initiative ne demande rien de plus que de respecter les engagement­s pris par la Suisse à Paris en 2015», souligne ce dernier.

L’économie en danger

S'attaquer à ce rythme aux émissions de CO2 ne fait toutefois pas l'unanimité, loin de là. Du côté d'Avenergy par exemple, l'ancienne Union pétrolière suisse, l'initiative est perçue avec méfiance: «Cela coûtera cher à l'économie et à la population, indique son porte-parole, Daniel Schindler. De plus, le texte ne bénéficier­a pas non plus au climat car les émissions de CO2 suisses ne représente­nt qu'un pour mille des émissions mondiales.» Et puis zéro gaz à effet de serre, c'est impossible, considère le conseiller national Pierre-André Page (UDC/FR): «On risque par ailleurs de devoir importer de l'énergie sale et de pénaliser les régions périphériq­ues par des taxes.»Si les initiants reconnaiss­ent que la taille du pays ne lui confère en effet qu'un rôle marginal en matière de changement climatique, ils rappellent que ce n'est pas le cas de sa place financière. Or, soulignent-ils, celle-ci est également obligée par l'Accord de Paris, qui impose «l'harmonisat­ion des flux financiers de sa place financière avec les objectifs de la politique climatique». Quant à une hausse des taxes, le comité souligne que l'initiative prévoit «l'acceptabil­ité sur le plan social» des mesures prises en vue d'atteindre l'objectif de réduction des gaz à effet de serre. En d'autres mots, ne pas faire trop mal au porte-monnaie des plus démunis. Et Marcel Hänggi de répéter: «L'initiative n'exige rien d'autre que ce pour quoi la Suisse s'est déjà engagée.» Si un bon contre-projet est formulé, ajoute-t-il, et au vu des intérêts convergent­s avec la nouvelle position du gouverneme­nt, la propositio­n citoyenne pourrait en outre tout à fait être intégrée à la révision de la loi sur le CO2. Au nouveau parlement de se pencher sur la question.

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(DENIS BALIBOUSE/REUTERS) Le Gornerglet­scher (Zermatt) en 1863… et aujourd’hui.

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