Swisscom place ses éclaireurs sur plusieurs continents
En plus de son bureau situé au coeur de la Silicon Valley, l’opérateur a ouvert des «outposts» à Berlin et à Shanghai pour détecter les dernières tendances. En parallèle, il investit dans des start-up, tant en Suisse qu’à l’étranger
RESPONSABLE DE SWISSCOM VENTURES
La Californie, l'Allemagne et depuis peu la Chine: sans faire de bruit, Swisscom développe ses antennes à l'étranger. L'opérateur télécoms poursuit ainsi sa stratégie de détection de technologies innovantes via plusieurs outposts, le dernier ayant été établi fin 2018 à Shanghai.
C'est dans l'outpost de Palo Alto, au coeur de la Silicon Valley, que Le Temps a rencontré fin octobre Roger Wüthrich-Hasenböhler, responsable de l'innovation au sein de Swisscom. L'opérateur emmenait alors en Californie pour la septième année consécutive cinq start-up, afin de leur permettre de nouer des contacts au sein du hub mondial de l'innovation.
L'opérateur possède une base depuis 1998 dans la Silicon Valley. «Il est fondamental d'avoir une équipe ici afin de détecter les nouvelles tendances, discuter avec des start-up, mais aussi des géants de la tech, affirme Roger Wüthrich-Hasenböhler. Le but est de rapatrier certaines technologies en Suisse pour développer de nouveaux marchés.» Une nécessité, vu le déclin, pour l'opérateur, de ses activités historiques: 75% de ses revenus sont générés par des activités qui n'existaient pas il y a dix ans.
Importation en Suisse
La maison de Palo Alto abrite huit employés fixes de l'opérateur, plus quatre à cinq collaborateurs qui y séjournent l'espace de quelques semaines. «Par le passé, nous avons importé de Californie vers la Suisse des solutions cloud, un service permettant aux entreprises de gérer plusieurs milliers de téléphones ou encore une application permettant la facturation en temps réel, énumère Roger Wüthrich-Hasenböhler. Actuellement, nous observons de près les services qui commencent à se développer autour de la 5G.»
C'est aussi en Californie que l'opérateur a repéré une nouvelle technologie pour la publicité. Ce printemps, il présentait ainsi en Suisse Beem, une plateforme permettant, en utilisant les signaux sonores (hautes fréquences) et Bluetooth, d'afficher de la publicité sur smartphone en fonction de sa localisation – par exemple dans les gares. Mais face aux critiques en lien avec les craintes associées à l'utilisation des hautes fréquences, Swisscom a pour l'heure décidé de proposer Beem uniquement via Bluetooth.
Depuis fin 2018, Swisscom dispose aussi de deux collaborateurs à Shanghai. «Leur but est de nous communiquer, à Berne, tout ce qui se fait de nouveau dans le domaine de l'intelligence artificielle et de la reconnaissance faciale», détaille le responsable. Et depuis cinq ans, l'opérateur a un employé à Berlin, chargé de détecter tout ce qui se fait de nouveau dans l'e-commerce, domaine dans lequel de nombreuses sociétés allemandes sont à la pointe.
Swisscom ne fait pas que de la détection, il investit aussi. Depuis 2007, il a financé dans une soixantaine de start-up: la moitié en Suisse, un quart en Europe et un quart dans la Silicon Valley. «Notre motivation première est de gagner de l'argent via ces investissements, martèle Stefan Kuentz, responsable de Swisscom Ventures. Nous avons ainsi vendu nos parts dans 25 sociétés. Mais notre objectif est aussi de prendre des participations dans des entreprises qui peuvent devenir nos partenaires: l'objectif n'est ainsi pas seulement financier.»
Fonds de 50 millions
L'opérateur gère ainsi lui-même un fonds doté de 50 millions de francs. Il a aussi un rôle de consultant externe pour un autre fonds de 150 millions, géré par des tiers. «Lorsque nous décidons d'investir dans une société, le montant varie généralement entre 2 et 10 millions de francs, poursuit Stefan Kuentz. Comme les tours de financement deviennent de manière générale de plus en plus importants, il est possible que nous accroissions nos activités à l'avenir.» L'opérateur se présente comme l'un des plus importants investisseurs suisses dans des start-up.
Parmi les placements de Swisscom, on peut nommer la société KeyLemon, rachetée ensuite par Apple: sa technologie de reconnaissance vocale a par exemple été installée dans les télécommandes de Swisscom TV. L'opérateur a aussi investi dans l'entreprise américaine Quantenna, entrée ensuite en bourse avant d'être rachetée. Des opérations en Asie sont-elles à l'ordre du jour? «Nous ne disposons pas encore de suffisamment d'expertise dans cette région, même si des sociétés sont très intéressantes. Il y a déjà suffisamment à faire rien qu'en Suisse, grâce à la qualité des entreprises qui y naissent», conclut Stefan Kuentz.
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«Il est fondamental d’avoir une équipe dans la Silicon Valley afin de détecter les nouvelles tendances, discuter avec des start-up, mais aussi des géants de la tech» ROGER WÜTHRICH-HASENBÖHLER