L’effet loupe
Alice Winocour évoque l’infiniment grand pour parler de l’infiniment petit
A l’heure du bain, Sarah partage un moment de tendresse avec Stella, 8 ans. Elle vient de rentrer du travail et chérit ces petits bonheurs quotidiens. Car elle n’exerce pas un métier commun. Elle est astronaute et va au-devant d’une mission d’une année dans l’espace. Elle sera accompagnée d’un collègue américain et d’un cosmonaute russe qui enregistre avant de partir le bruit du vent dans les arbres ou de l’eau, car là-haut, c’est ce qui lui manquera le plus. Sarah, elle, ne sait pas comment elle va gérer la séparation avec Stella.
Proxima évoque la conquête de l’espace, cette utopie consistant à aller toujours plus haut, toujours plus loin, cette quête d’un ailleurs où il y aurait des signes de vie. Mais c’est surtout un film qui parle avec une belle économie de moyens, avec justesse, sans inutiles effusions, des liens indéfectibles qui unissent une mère à sa fille. A la fin du film, des photos de femmes astronautes viennent rappeler que dans la vraie vie, des Sarah ont existé. On ne les connaît pas, ou pas assez. Alors oui, Proxima a une indéniable dimension féministe. Mais il s’agit avant tout d’une oeuvre profondément humaine, qui raconte comment Stella va devoir se reconnecter avec son père tandis que Sarah va devoir accepter qu’être astronaute ne fait pas d’elle une mauvaise mère.
Alice Winocour dit avoir trouvé son inspiration non pas dans Interstellar ou Gravity, mais dans des drames comme Paris, Texas, Yi Yi ou Mia madre. Elle partage en effet avec Wenders, Yang et Moretti une volonté de filmer à hauteur d’hommes et de femmes, de ne pas masquer l’universalité de son propos derrière une mise en scène ostentatoire. Proxima n’est pas un beau film de femmes, expression tendance et réductrice. Proxima est un beau film, tout simplement.
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VVV d’Alice Winocour (France, Allemagne, 2019), avec Eva Green, Zélie BoulantLemesle, Matt Dillon, Aleksey Fateev, Lars Eidinger, Sandra Hüller, 1h46.