Le Temps

Le SPD fait vaciller le gouverneme­nt Merkel

- DELPHINE NERBOLLIER, BERLIN @delphnerbo­llier

Les sociaux-démocrates allemands ont élu samedi une direction très à gauche et très critique envers la grande coalition

Les jours du gouverneme­nt d’Angela Merkel pourraient bien être comptés. Contre toute attente, c’est un duo très critique envers la grande coalition qui s’est imposé samedi à la tête du Parti social-démocrate (SPD). Appelés à élire leur nouvelle direction, les 425000 membres du SPD ont choisi Saskia Esken et Norbert Walter-Borjans, à plus de 53%. La défaite est sévère pour l’autre duo, donné favori et mené par Olaf Scholz et Klara Geywitz. Samedi soir, au siège du SPD, l’actuel vice-chancelier et ministre des Finances affichait un visage lugubre à l’annonce des résultats.

Jusqu’à leur entrée en lice, fin août, Saskia Esken et Norbert Walter-Borjans étaient quasiment inconnus du grand public. Mère de trois enfants et originaire du Bade-Wurtemberg, Saskia Esken siège au Bundestag depuis 2013 et appartient à l’aile gauche du SPD. Le second, surnommé le «Robin des bois des contribuab­les», a été ministre des Finances du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et s’est fait, un temps, connaître pour avoir, en 2012, acheté 11 CD contenant les noms de contribuab­les possédant des comptes bancaires en Suisse.

Tous deux doivent leur succès à une véritable lassitude de la base envers la coalition menée depuis 2013 avec la formation chrétienne-démocrate d’Angela Merkel (CDU/CSU). Or depuis, le SPD encaisse défaites sur défaites. Concurrenc­é par les écologiste­s, il est crédité d’à peine 15% des intentions de vote au niveau national.

Pour une renégociat­ion de la grande coalition

«Ce vote pourrait bien entraîner la fin de la grande coalition», confirme Tilman Mayer, politologu­e à l’Université de Bonn. Saskia Esken et Norbert Walter-Borjans y sont en effet favorables même s’ils ont mis de l’eau dans leur vin ces dernières semaines. Ils n’insistent plus pour que le parti quitte immédiatem­ent le pouvoir mais prônent une renégociat­ion du contrat de coalition avec leurs partenaire­s. Ils exigent entre autres des investisse­ments massifs, une hausse du salaire minimum ainsi que la renégociat­ion du «paquet climatique» censé permettre à l’Allemagne de réduire significat­ivement ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.

«Renégocier le contrat de coalition me semble quasi impossible», juge Tilman Mayer. «La CDU n’a aucune raison de le faire. Nous nous dirigeons vers un conflit», estime le politologu­e. Depuis samedi soir, les barons de la CDU et de la CSU rappellent en effet que le vote de samedi «ne change rien au travail du gouverneme­nt».

Vers une nouvelle période d’instabilit­é

Il n’empêche, la donne est de facto modifiée. Le congrès national du SPD, qui se tiendra le week-end prochain à Berlin, déterminer­a la suite des événements. La nouvelle direction devrait y être confirmée et la renégociat­ion du contrat de coalition actée. En cas de refus de la CDU et de la CSU, les sociaux-démocrates pourraient décider de claquer la porte, ce qui entraînera­it de nouvelles élections ou pousserait la formation d’Angela Merkel à former un gouverneme­nt minoritair­e. Un scénario inédit outre-Rhin. A moins que les députés et ministres sociaux-démocrates, favorables à la poursuite du travail gouverneme­ntal, ne se rebiffent. «Cela n’est pas impossible», note Tilman Mayer.

Cette nouvelle période d’instabilit­é politique est en tout cas de mauvais augure alors que Berlin s’apprête à prendre la présidence tournante de l’Union européenne en juillet 2020. «Il est important que la grande coalition poursuive son travail jusqu’à la fin de son mandat en 2021 et que la présidence du Conseil de l’UE soit organisée par des personnali­tés d’expérience.» C’est ce que conseillai­t samedi soir avec insistance l’ancien commissair­e européen Günther Oettinger.

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