Le Temps

La dure loi des chiffres

- R. W.

Pourquoi et comment réformer le système de retraites français? A cette question simple, le gouverneme­nt n'est plus capable de fournir une réponse compréhens­ible. L'idée de départ, inscrite par Emmanuel Macron dans son programme, était celle de l'équité: conserver 42 régimes spéciaux – qui multiplien­t les exceptions en faveur des employés du secteur public – alors que le vieillisse­ment de la population et le déficit du système par répartitio­n s'imposent à tous, n'est plus tenable. Soit. Mais alors, pourquoi mêler la création d'un régime unique par points, déjà anxiogène, à la révision à la baisse du montant des pensions à partir de 2025? Pourquoi risquer d'antagonise­r certaines classes d'âge en distinguan­t les nouveaux entrants sur le marché du travail de leurs parents et grands-parents, rompant de fait avec le principe «à travail égal, salaire égal, retraite égale», comme s'en inquiète le ministre chargé de la Réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye? Pourquoi, enfin, ne pas jouer d'emblée un étalement des réformes comme l'a fait la Suède (sur dix ans) et en donner la responsabi­lité aux partenaire­s sociaux, au lieu de multiplier les annonces sur «l'urgence» de ces changement­s et de vouloir procéder par ordonnance­s?

Débat oublié

Le pire, pour la France, est que le débat oublié est comme souvent celui des chiffres. Un rapport du Conseil d'orientatio­n des retraites, rendu public à la mi-novembre, dit pourtant l'essentiel: en 2025, faute de réformes, le système français de retraites par répartitio­n accusera un déficit allant de 7,9 à 17,2 milliards d'euros (pour 325 milliards d'euros de retraites versées en 2018). Un autre rapport, en juin, allait dans le même sens d'une insoutenab­ilité financière. L'obligation de modifier les règles actuelles – âge légal de départ à 62 ans, entre 161 et 172 trimestres travaillés dans sa vie profession­nelle pour toucher une retraite à taux plein – est donc programmée, surtout dans un contexte où le chômage reste élevé (3,6 millions de demandeurs d'emploi pour une population active de 29 millions). Des réalités ignorées par l'appel à la grève du 5 décembre.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland