Le Temps

L’obsolescen­ce programmée va s’inviter à Berne

- SÉVERINE SAAS @sevsaas

Lors de la session parlementa­ire qui débute ce lundi, une alliance de centre gauche prévoit des actions coordonnée­s pour prolonger la durée de vie des objets

Batterie épuisée en un temps record, piles trop coûteuses à remplacer, pièces de rechange introuvabl­es sur le marché? Bienvenue dans le monde de l’obsolescen­ce programmée, là où les fabricants d’appareils électroniq­ues ou ménagers réduisent délibéréme­nt la durée de vie de leurs produits pour inciter les consommate­urs à les racheter plus rapidement. Contrairem­ent à la France ou à l’Italie, la Suisse ne dispose d’aucun cadre légal pour lutter contre cette stratégie industriel­le. Peut-être plus pour longtemps.

Ce dimanche, la SonntagsZe­itung a révélé qu’une alliance PS-PDC-Vert’libéraux préparait des actions coordonnée­s pour pousser le Conseil fédéral à légiférer sur le sujet. La coalition agira lors de la session parlementa­ire de décembre. Isabelle Chavalley (Vert’libérale/VD) en fait partie: «En unissant nos forces, nous voulons montrer qu’il ne s’agit pas d’une question partisane, mais bel et bien d’un enjeu pour la société dans son ensemble. C’est incompréhe­nsible qu’il n’existe aucun outil légal pour protéger les citoyens contre l’obsolescen­ce programmée. Les gens se font avoir en achetant des produits qu’ils seront condamnés à jeter très vite. Sans parler de l’impact sur l’environnem­ent», tonne la conseillèr­e nationale.

Des victoires timides

Isabelle Chevalley n’en est pas à son coup d’essai. En 2017, la conseillèr­e nationale avait déposé un postulat visant à faire étiqueter la durée d’utilisatio­n minimale des produits sur la base des cycles d’utilisatio­n (heures, kilomètres, cycles, etc.). Une action classée au bout de deux ans, dépassemen­t du délai d’examen oblige. En 2018, elle récidive en cosignant le postulat de la conseillèr­e nationale Géraldine Marchand-Balet (PDC/VS) en faveur d’un rapport sur la situation légale encadrant l’obsolescen­ce programmée en Suisse, ainsi que d’un comparatif au niveau internatio­nal. Cette fois-ci, la propositio­n est acceptée. Mais pour Isabelle Chevalley, ce n’est pas assez. «Aujourd’hui, nous ne voulons pas seulement un constat, mais des actions.»

C’est par le biais des plastiques oxo que la conseillèr­e nationale a obtenu sa première victoire indirecte sur l’obsolescen­ce programmée. Il y a un mois, le Conseil fédéral a accepté sa motion visant à faire interdire ces plastiques qui se fragmenten­t en tout petits morceaux sous l’effet de la chaleur et des UV, polluant gravement les eaux et les sols. «C’est avec ce plastique que l’on fabrique les chaises de jardin par exemple. Résultat, elles se cassent beaucoup plus vite et il faut les remplacer. Trop peu de gens le savent.»

Test politique

Pendant la prochaine session parlementa­ire, à quel type de propositio­ns faudra-t-il s’attendre? «Cela reste encore à déterminer, il s’agira essentiell­ement de postulats et de motions. L’idée, c’est de déposer des textes qui présentent le problème sous différents angles, afin d’être plus efficaces.» La SonntagsZe­itung évoque quatre axes principaux: une prolongati­on de la durée de la garantie légale des produits (cinq ans, contre deux ans aujourd’hui); un indice de réparabili­té affiché sur les produits; une facilité de réparation accrue; une obligation de fournir des pièces de rechange plus longtemps et à moindre coût.

Des demandes qui pourraient bien servir de test au parlement après le bond historique des Verts au Conseil national, sans compter la pression populaire accrue en matière d’environnem­ent. En attendant, Isabelle Chevalley semble confiante. «Les choses commencent à bouger. Et puis, ce sont des choses faciles à faire, elles ne changent en rien le quotidien des gens. Si notre pays n’est pas capable d’adopter ces mesures, je ne vois pas bien comment nous pourrions aller plus loin dans la lutte en faveur du bien-être des citoyens et de l’environnem­ent.»

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland