Le Temps

Les réalisatio­ns immobilièr­es sont le gage de l’indépendan­ce financière de l’institut genevois

L’Institut de hautes études internatio­nales et du développem­ent investit dans ses murs depuis les années 2010. Une politique volontaris­te qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Après la Maison des étudiants Edgar et Danièle de Picciotto, une nouvelle résid

- SYLVIA REVELLO @sylviareve­llo

Maison de la paix, Maison des étudiants, un chapelet de villas au bord du lac: en quelques années, l’Institut de hautes études internatio­nales et du développem­ent (IHEID) a constitué un patrimoine immobilier important. Une démarche inhabituel­le pour une institutio­n académique, mais qui se révèle un pari gagnant. Une nouvelle bâtisse s’apprête d’ailleurs à compléter le bouquet de l’institut: une résidence étudiante de 650 chambres au sein de la Cité internatio­nale du Grand Morillon, au Petit-Saconnex. Aujourd’hui en plein chantier, le bâtiment devrait être inauguré à la rentrée universita­ire 2020.

Investir dans les murs pour moins dépendre des subvention­s de la Confédérat­ion et du canton: c’est avec cette intention que l’IHEID amorce une politique immobilièr­e volontaris­te au tournant des années 2010. «En tant qu’institut privé, nous possédions une vulnérabil­ité intrinsèqu­e, il était donc nécessaire d’assurer la pérennité de nos activités en diversifia­nt nos sources de revenus», détaille le directeur, Philippe Burrin, inspirateu­r de cette nouvelle orientatio­n, qui cédera sa place à l’été 2020.

Avec la Maison des étudiants, inaugurée en 2012, grâce au soutien d’Edgar et Danièle de Picciotto, l’institut réalise son premier succès immobilier, basé sur un partenaria­t public-privé. La

Maison de la paix, qui héberge les activités de l’IHEID mais aussi trois centres de la Confédérat­ion, suivra en 2014.

«A chaque fois, l’institut a pris sa part du risque en montrant qu’il s’agissait de projets stratégiqu­es pour lui et qu’il entendait être un partenaire fiable et efficace.» Une politique fructueuse. Si la fortune de l’IHEID se limitait à 50000 francs en 2004, celle du nouvel institut devrait bientôt dépasser les 300 millions de francs.

Nouveau pôle internatio­nal

Quant aux fonds publics, ils représente­nt désormais environ 36% de son budget, contre 60% en 2008. Les investisse­ments immobilier­s ne suffisent toutefois pas à expliquer cette croissance, il faut aussi considérer le fort développem­ent des contrats de recherche, des mandats d’expertise, des revenus de la formation continue ou encore des dons philanthro­piques dont bénéficie l’IHEID.

La future Cité internatio­nale du Grand Morillon verra le jour à quelques jets de pierre de l’ONU, à l’angle entre la route de Ferney et la route des Morillons. Elle est pensée comme un pôle de la Genève tournée vers l’extérieur. Outre la résidence universita­ire de l’IHEID, le lieu abritera le nouveau siège de Médecins sans frontières et un bâtiment de la Fondation Terra et Casa qui hébergera des fonctionna­ires internatio­naux. Au coeur du Jardin des Nations, la résidence sera avant tout destinée aux étudiants de l’institut, souvent boursiers, qui viennent du monde entier et ont souvent de la peine à trouver un logement à Genève.

Réalisé par l’architecte japonais Kengo Kuma, lauréat de l’appel d’offres parmi une trentaine de projets, le bâtiment de l’IHEID est pensé comme un lieu de vie, pas un simple dortoir. «La nouvelle résidence se distingue par son caractère communauta­ire, souligne Philippe Burrin. Elle offrira une série d’espaces partagés tels que de grandes cuisines, un café, une salle de sport, des salles d’étude et de réunion, sans oublier une terrasse panoramiqu­e avec vue sur le lac et le Mont-Blanc.» Le tout sur une parcelle de 10000 m2. Coût du projet: 100 millions de francs financés par une discrète fondation privée qui a accordé un droit de superficie de 99 ans.

Rénovation du domaine Barton

Le nouveau modèle de financemen­t de l’IHEID ne va cependant pas sans faire grincer des dents. Est-ce le rôle d’un institut universita­ire que de faire de la promotion immobilièr­e? Pour Philippe Burrin, la critique est infondée. «Notre but est de pouvoir accueillir des étudiants qui, dans leur très grande majorité, viennent de l’étranger, détaille-t-il. Nous le faisons avec l’aide de mécènes qui comprennen­t l’importance de cet objectif et souhaitent investir dans des projets à long terme.

Nous utilisons leur soutien à la fois pour offrir des logements à un prix inférieur au marché et pour donner à l’institut un revenu qui accroît et diversifie ses sources de financemen­t et sert, en définitive, à la qualité de la formation des étudiants par la création de bourses et de chaires.»

Le directeur bâtisseur a-t-il abattu sa dernière carte avec la nouvelle résidence du Petit-Saconnex?

Pas tout à fait. «Nous allons débuter prochainem­ent la rénovation du domaine Barton, ancien siège de HEI au bord du lac, qui comprend la villa Barton et cinq pavillons datant des années 1960», précise Philippe Burrin. L’institut vient de conclure un accord avec la Confédérat­ion, propriétai­re, pour racheter les bâtiments et payer un droit de superficie. «La rénovation devrait permettre, d’ici à la fin de 2021, de doter ce domaine qui sert principale­ment à notre formation continue d’un niveau de qualité comparable au reste de notre parc immobilier et de terminer ainsi en beauté la constructi­on du Campus de la paix», se réjouit le directeur. Ici encore, un don a permis à l’IHEID de disposer des fonds propres nécessaire­s à un emprunt.

 ?? (EDDY MOTTAZ POUR LE TEMPS) ?? Philippe Burrin, directeur sortant de l’Institut de hautes études internatio­nales et du développem­ent.
(EDDY MOTTAZ POUR LE TEMPS) Philippe Burrin, directeur sortant de l’Institut de hautes études internatio­nales et du développem­ent.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland