Le Temps

La surveillan­ce des trafics d’armes à feu depuis Genève, un succès né au coeur de l’IHEID

Un Prix Nobel, un Prix Pulitzer, des carrières internatio­nales, dans le public, le privé et des ONG. Leur point commun? Un passage à l’Institut de hautes études internatio­nales et du développem­ent dont le réseau d’alumni s’étend à 20 000 membres

- SARAH ZEINES @SarahZeine­s

«C'était un très long moment de bonheur dans ma vie.» Saul Friedlände­r dépeint une image élogieuse de ses années à l'Institut de hautes études internatio­nales et du développem­ent (IHEID). Joint par téléphone à son domicile de Los Angeles, le lauréat du Prix Pulitzer 2008 pour son essai sur l'Allemagne nazie et les juifs accepte immédiatem­ent de parler de ses décennies passées à la Maison de la paix. «Je suis entré à l'institut par opportunis­me. On m'avait proposé une bourse pour réaliser mon doctorat. J'ai fini par y rester plus de vingt ans.»

A l'instar de l'ancien secrétaire général de l'Organisati­on des Nations unies (ONU), Kofi Annan, ou du colauréat du Prix Nobel de l'économie 2007, Leonid Hurwicz, Saul Friedlände­r fait partie d'une cohorte très spéciale: celle des alumni de l'institutio­n genevoise. Après y avoir obtenu son diplôme, en 1963, il rejoint dans la foulée l'équipe de professeur­s. Il y enseignera jusqu'en 1988. Parmi ses élèves, un jeune Philippe Burrin, aujourd'hui directeur sortant, retient son attention. «C'était l'étudiant le plus brillant de tous, assure le Prix Pulitzer. Grâce à lui, l'institut a énormément gagné en qualité et en prestige.»

«Ambition et persévéran­ce»

Tous les anciens élèves de l'IHEID n'obtiennent évidemment pas la reconnaiss­ance hors normes de Saul Friedlände­r. En revanche, un bon nombre d'entre eux font une carrière exceptionn­elle. Il faut dire que chaque élève est choisi au cours d'un processus de sélection rigoureux. «Une bonne partie des candidats nous viennent sur la recommanda­tion de leurs professeur­s ou d'alumni de l'institut, explique Laurence Algarra, adjointe de direction. Ils font des stages pendant leurs études, puis obtiennent un premier emploi. L'ambition et la persévéran­ce font le reste.»

Pour faciliter l'accès au monde du travail et faire profiter les diplômés d'un réseau mondial, une associatio­n composée de près de 20000 anciens élèves prend le relais. «Ils mènent des actions concrètes, comme le mentoring et l'attributio­n des prix», détaille Carine Leu, responsabl­e des relations alumni et réseaux profession­nels. L'associatio­n est animée par un comité de huit personnes, qui agissent comme des interlocut­eurs privilégié­s avec la direction de l'institut. Jennifer Blanke, actuelleme­nt vice-présidente de la Banque africaine de développem­ent, en fait partie. «Nous faisons des efforts considérab­les pour augmenter l'impact et l'interconne­ctivité des alumni à travers le monde, souligne-t-elle. Le réseau est un atout énorme dans la création de liens entre les étudiants.»

Approche systémique

Faire partie de cette communauté des anciens élèves de l'IHEID s'est révélé être un facteur clé dans le succès de beaucoup. «La réputation et la visibilité de l'institut sont un très bon départ dans la vie profession­nelle», estime Silvano

Sofia, qui a obtenu son master il y a une dizaine d'années. L'homme a déjà occupé un poste aux Nations unies, dans le domaine des affaires politiques et du développem­ent. Aujourd'hui, il a une fonction importante au Départemen­t fédéral des affaires étrangères (DFAE), où il contribue à définir l'engagement et la position institutio­nnelle et stratégiqu­e de la Suisse à l'ONU.

Connexions

«A plusieurs occasions dans ma carrière, j'ai pu bénéficier du réseau d'alumni de l'Institut, dont les membres ont des parcours très variés. J'ai pu entrer en contact avec différents secteurs d'activité de la Genève internatio­nale, ajoute-il. Cela a permis de faciliter, par exemple, des partenaria­ts, l'organisati­on d'événements ou encore des entretiens sur différents thèmes. J'ai aussi fait appel à plusieurs reprises à l'Institut pour trouver des stagiaires dont des alumni, qui ont toujours été excellents.»

Jennifer Blanke estime également avoir amélioré sa façon de penser le monde, grâce à ses liens avec l'Institut: «J'ai acquis une logique multidisci­plinaire à l'IHEID, où l'approche des situations est systémique», explique-t-elle.

Responsabl­e de la communicat­ion chez SOS Méditerran­ée, Julie Melichar juge aussi que l'enseigneme­nt de cette perspectiv­e macroscopi­que est essentiel: «Mes études m'ont aidée à considérer les connexions entre les questions qui nous accaparent. A notre époque, comprendre le lien entre l'urgence climatique, les inégalités économique­s et la mise en danger des droits humains est une priorité.»

Pour appréhende­r le monde actuel, l'IHEID continue à se développer. «L'institut ne prépare pas ses étudiants à résoudre des problèmes concrets, car il n'est pas une business school. Nous voulons leur permettre de continuer à apprendre dans des environnem­ents changeants et de s'ajuster à des orientatio­ns profession­nelles multiples entre les trois secteurs – public, privé et à but non lucratif – de l'action internatio­nale, souligne Laurence Algarra. Notre avenir sera la formation à distance.»

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