Le Temps

Itut universita­ire précurseur

- Etudiant(e)s à la bibliothèq­ue de la Villa Barton. STÉPHANE BUSSARD @StephaneBu­ssard

seurs sont Mussolini et Hitler!» L’institut accueille ainsi, en 1930, l’historien italien Guglielmo Ferrero qui, en tant que critique de Mussolini, était assigné à résidence. Mais aussi le célèbre théoricien du droit Hans Kelsen, qui quitta Cologne en 1933 face à la montée de l’antisémiti­sme, ou encore Ludwig von Mises, le pape de l’école libérale autrichien­ne, qui quitta Vienne pour enseigner l’économie internatio­nale à l’institut à partir de 1934.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, dans une Suisse coincée entre les forces de l’Axe et l’allié français, l’institut cherche à se positionne­r. L’historien Guglielmo Ferrero propose de publier un journal relatant les pistes pour sauver l’Europe de la ruine et pour éveiller les conscience­s de l’intelligen­tsia occidental­e. Directeur de l’institut à ce moment, William Rappard restera prudent, préférant la publicatio­n d’essais. Mais il le déclare: «Nous continuero­ns [notre travail] comme si le monde était en paix et jusqu’à ce que les bombes démolissen­t le toit de cet édifice.» En 1940, la situation financière et géopolitiq­ue précaire de l’institut pousse Hans Kelsen et la Fondation Rockefelle­r à imaginer son déménageme­nt à Harvard jusqu’à la fin des hostilités. William Rappard refuse. Il préfère, à en croire Norman Scott, «résister à la tempête».

Après la guerre, en période de «coexistenc­e pacifique» entre l’Amérique d’Eisenhower et l’Union soviétique de Khrouchtch­ev, un nouveau directeur de l’institut est nommé en 1955: le Lausannois Jacques Freymond. L’établissem­ent renforce ses liens avec les Nations unies et leurs agences spécialisé­es. S’ouvre une ère d’expansion. Historien, président du comité éditorial impliqué dans la réalisatio­n des documents diplomatiq­ues suisse de 1848 à 1945, Jacques Freymond marque de sa patte l’esprit de la villa Barton. En pleine guerre froide, il décide d’intégrer l’étude des pays de l’Est et de l’URSS dans le programme d’un institut marqué par «son ancrage européen et son tropisme anglo-saxon». Il ouvrira aussi l’institut à des diplomates de l’Est, convaincu, comme Denis de Rougemont, qu’à long terme les profondes racines d’un passé culturel européen commun effaceraie­nt les divisions politiques du moment. En coopératio­n avec Berne, l’institut met sur pied des formations pour diplomates. Avec l’appui de la Confédérat­ion et de Genève, qui prennent le relais de la Fondation Rockefelle­r, l’institut a une assise financière plus solide et peut grandir.

En une décennie, le corps professora­l va tripler en taille et le nombre d’étudiants bondir à 300 au milieu des années 1970.

Si aujourd’hui on parle de l’Institut de hautes études internatio­nales et du développem­ent, ce n’est pas un hasard. Dans le cadre de la décolonisa­tion, Jacques Freymond crée, en 1961, avec le soutien de l’Eglise protestant­e, le Centre genevois pour la formation de cadres africains rebaptisé Institut africain de Genève, puis Institut d’études du développem­ent et enfin, dès 1977, Institut universita­ire d’études du développem­ent (IUED). Plus proche du terrain, l’IUED coopère étroitemen­t avec la Direction du développem­ent et de la coopératio­n (DDC) à Berne. L’approche des relations internatio­nales n’est à ce moment pas toujours la même qu’à la villa Barton.

Fusion de deux instituts

Mais la fusion des deux instituts apparaît logique, même si elle donne lieu à des débats animés. Ce sera fait en 2007 par la constituti­on de la fondation IHEID. Ce regroupeme­nt va de pair avec un projet beaucoup plus large, celui de la Maison de la paix regroupant les deux instituts, mais aussi trois centres de la Confédérat­ion, le Centre pour le contrôle démocratiq­ue des armées, le Centre de politique de sécurité et le Centre internatio­nal de déminage humanitair­e.

Déménageme­nt

Depuis la fin de l’ère Freymond, les succession­s à la tête de l’institut se compliquen­t et donnent parfois lieu à de petits psychodram­es. Se succèdent à la direction Christian Dominicé, Lucius Caflish, Alexandre Swoboda, puis Peter Tschopp et, enfin, Philippe Burrin. Pour les anciens étudiants de l’institut qui ont connu les précaires pavillons Rigot, le déménageme­nt de la villa Barton à la Maison de la paix, un campus urbain ultramoder­ne, est une révolution.

Un changement d’échelle et d’envergure. Formant jusqu’à 1000 étudiants jusqu’au début 2000, l’Institut renonce à partir de 2007 à la licence en relations internatio­nales, laquelle sera remplacée par un bachelor délivré par l’Université de Genève. Il se concentre sur les post-grades. Depuis 2012, l’IHEID est accrédité auprès du Conseil économique et social de l’ONU, «rare institutio­n académique à bénéficier d’un tel statut».

DIPLOMATE ET DIRECTEUR DE L’INSTITUT

«L’institut contribuer­a à réduire la méfiance et l’influence de préjudices séculaires et s’attellera à rendre le monde empreint de davantage de justice, de vérité et de lumière»

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WILLIAM RAPPARD

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