Le Temps

Aux Docks, une tranchante Epée

- L’Epée, «Diabolique» (Because Music). STÉPHANE GOBBO @StephGobbo

Formé autour des Limiñanas, avec Emmanuelle Seigner au chant et Anton Newcombe à la guitare, le super-groupe présentait vendredi à Lausanne son excellent premier album, «Diabolique»

Un peu plus d’une heure de concert, pour un hypnotique voyage vers les confins du rock garage et du psychédéli­sme. C’est ce qu’a proposé L’Epée, vendredi soir, aux Docks. Sur la scène lausannois­e, huit musiciens. Au coeur de ce groupe qui devrait être éphémère, The Limiñanas, fabuleuse formation fondée il y a dix ans dans les Pyrénées-Orientales par Lionel et Marie Limiñana. Après être longtemps resté un secret bien gardé, le couple goûte enfin à une reconnaiss­ance méritée qui a vu leur projet sortir des cercles purement alternatif­s.

L’an dernier, sur leur album Shadow People, les Limiñanas avaient convié Emmanuelle Seigner à venir interpréte­r le titre éponyme. La comédienne avait jadis collaboré avec le groupe Ultra Orange, elle a aussi enregistré deux albums solo; la retrouver en chanteuse rock n’avait donc rien d’étonnant.

Shadow People bénéficiai­t d’un autre atout, son producteur: l’Américain Anton Newcombe, fantasque leader de The Brian Jonestown Massacre, né voici près de trente ans à San Francisco. Et qu’on retrouve aujourd’hui guitariste au sein de L’Epée, tandis qu’Emmanuelle Seigner est au micro.

En bleu de travail

Aux Docks, ce super-groupe a présenté son premier album, Diabolique. A gauche de la scène, Lionel et Marie Limiñana. Lui en guitariste menant discrèteme­nt la troupe, elle en frappeuse binaire donnant le tempo sur une batterie minimale, telle une héritière de Moe Tucker (The Velvet Undergroun­d). A droite, Anton Newcombe, regard bas, semble apprécier son rôle d’invité de luxe, reste concentré, sans un coup d’oeil vers la salle, comme lorsqu’il y a deux mois, à la Nox Orae de La Tour-de-Peilz, il accompagna­it le groupe estonien Holy Motors.

Celle qui attire les regards, au centre du dispositif, au milieu de lanternes marocaines, c’est évidemment Emmanuelle Seigner. En août 2018, lorsqu’elle avait rejoint les Limiñanas pour un concert sous le soleil valaisan à l’enseigne du PALP Festival, son Roman Polanski de mari avait tranquille­ment passé à ses côtés l’après-midi au pied du barrage de Mauvoisin. Logiquemen­t, pas trace du réalisateu­r de J’accuse aux Docks, du moins dans sa partie publique.

Moulée dans une combinaiso­n évoquant plus un bleu de travail qu’une tenue de parade, Emmanuelle Seigner fait le job. Pas un mot si ce n’est un ou deux mercis, elle est là pour défendre Diabolique, un disque d’une formidable intensité puisant son inspiratio­n première dans le psychédéli­que californie­n du tournant des années 1960. L’actrice scande et déclame autant qu’elle chante, sa voix n’est finalement qu’un élément parmi d’autres. Ce qui frappe d’abord, c’est un côté «mur de guitares», un son dense, une base rythmique qui a quelque chose d’ensorcelan­t. Le concert aura duré un peu plus d’une heure, un format idéal permettant juste d’éviter la lassitude.

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