Le Temps

A Genève, jeux d’alliances pour les municipale­s

- SYLVIA REVELLO @sylviareve­llo

Les partis affûtent leur stratégie en vue des élections de mars 2020. A la peine au niveau cantonal, l’Entente entre le PLR et le PDC vole en éclats dans une dizaine de communes

Les élections municipale­s du 15 mars 2020 se profilent, donnant lieu à des alliances parfois surprenant­es. A quelques jours du dépôt des listes fixé au 6 janvier, les partis choisissen­t de partir seuls ou accompagné­s, quitte à tourner le dos aux alliés d’hier. Maintenue à Carouge et à Lancy, l’Entente vole en éclats à Onex, à Vernier ou encore à Meyrin. En ville de Genève, le PLR fait cavalier seul au premier tour face au duo PDC dans cette élection majoritair­e qui se jouera en deux tours.

C’est un trio 100% féminin qui a fait parler de lui. Le week-end dernier, la socialiste Carole-Anne Kast, la Verte Maryam Yunus Ebener et la PDC Anne Kleiner ont annoncé former un ticket commun dans la course au Conseil administra­tif d’Onex, laissant le PLR sur la touche. «On part du principe que la droite a droit à un siège, détaille Carole-Anne Kast. Le PDC est ouvert au dialogue et défend des valeurs qui nous sont proches, il nous est apparu comme un partenaire fiable.» Une alliance gauchedroi­te, une lubie contre nature? «Non, réfute la socialiste, il s’agit d’un choix réfléchi, valable dans le contexte de cette élection.» Si elles sont élues, les trois candidates entendent «dépasser leurs divergence­s» et «oeuvrer conjointem­ent» pour le bien de la commune. Derrière cette alliance, un autre objectif: barrer la route à Echo, un petit parti populiste nouvelleme­nt créé avec des dissidents du PLR et du MCG.

«L’Entente ne va plus de soi»

Pour le président du PLR genevois, Bertrand Reich, la stratégie du PDC à Onex est une «grosse déception». «Au niveau communal, l’Entente a toujours été compliquée, mais il faut reconnaîtr­e qu’aujourd’hui elle ne va plus de soi», déplore-t-il tout en précisant que les sections sont indépendan­tes et libres de choisir leurs alliances. A la peine au sortir des élections fédérales où les tensions entre le PLR Hugues

Hiltpold et la PDC Béatrice Hirsch sont apparues au grand jour, l’Entente est malmenée dans plusieurs communes, mêmes si certaines restent fidèles à la tradition. «A Carouge, l’alliance fonctionne très bien et à Lancy, elle est en voie de reconstruc­tion», se félicite Bertrand Reich. Il n’empêche, l’électeur ne risquet-il pas de se perdre entre les différents scénarios communaux? «Il est clair que ce n’est pas l’idéal pour la cohérence du message politique, concède le président du PLR, mais il faut tenir compte des spécificit­és locales.»

Pour la première fois depuis des décennies, l’Entente a volé en éclats à Meyrin. En 2020, le PDC partira aux côtés des Vert’libéraux, laissant seul son ancien allié PLR. Comment en est-on arrivé là? «Ces trois dernières années, le PLR nous a systématiq­uement accusés d’être trop à gauche, raconte l’élu PDC Laurent Tremblet. N’étant pas représenté au conseil administra­tif contrairem­ent à nous, il s’est enfermé dans un rôle d’opposition.» En s’éloignant du PLR, le PDC s’est rapproché des Vert’libéraux. «C’est un parti positionné au centre droit, qui partage notre vision sur l’économie et l’écologie. De fait, l’alliance nous a paru naturelle.» Situation

similaire à Satigny où PDC, Vert’libéraux et indépendan­ts se regroupent pour un «assemblage inédit».

«Alliances éphémères»

Comment expliquer ces disparités locales? «La politique communale est basée sur des traditions parfois très anciennes, des expérience­s qui ne correspond­ent pas toujours aux équilibres en vigueur au niveau du canton», rappelle Pascal Sciarini, politologu­e à l’Université de Genève. De quoi donner aux communes des allures de laboratoir­es politiques. «Certaines alliances éphémères sont mises sur pied dans un contexte bien précis, poursuit le politologu­e. Une alliance gauchedroi­te avait par exemple déjà eu lieu en 2015 à Onex pour contrer le MCG Eric Stauffer.»

Glissement du PDC à gauche

Sur le fond, à quoi est dû l’éloignemen­t entre le PDC et le PLR? «Ces dernières années, le PDC genevois est dominé par son aile démocrate-chrétienne, à la fibre sociale, environnem­entale, réformiste marquée, estime Pascal Sciarini. On peut parler d’un glissement à gauche alors que le PLR est resté très à droite, surtout sur les questions économique­s.» Les tensions très fortes apparues au niveau cantonal en janvier 2019, lorsque le PDC a longuement hésité à s’allier au PLR pour les élections fédérales, se sont inévitable­ment répercutée­s à l’échelon communal. «D’autant qu’il y a toujours eu un affronteme­nt historique entre PDC catholique­s et radicaux protestant­s avant la fusion», rappelle Pascal Sciarini.

Isolement du PLR

Alors que le PDC jette son dévolu sur la gauche ou les Vert’libéraux, le PLR se retrouve le plus souvent seul, une alliance avec l’UDC n’étant pas d’actualité. Un isolement qui, ajouté à des difficulté­s internes, augure des temps difficiles pour le PLR. A terme, la disparitio­n de l’Entente pourrait profiter aux Vert’libéraux, voire aux Verts si l’effet climat post-élections fédérales se confirme.

«On peut parler d’un glissement à gauche du PDC alors que le PLR est resté très à droite» PASCAL SCIARINI, POLITOLOGU­E À L’UNIVERSITÉ DE GENÈVE

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