Le Temps

Le plan norvégien pour encourager les véhicules électrique­s

- AÏNA SKJELLAUG, OSLO @AinaSkjell­aug

LA SUISSE EN MIEUX (3/4) Un système bonus-malus a été instauré depuis de nombreuses années avec de très fortes taxes pour les voitures polluantes et des avantages considérab­les pour les véhicules zéro émission. Depuis 2019, l’Etat investit également de façon massive dans les avions à propulsion électrique

«Les Norvégiens ne sont pas spécialeme­nt plus attentifs à l’écologie que vous autres», confie Odd-Ivar Gundersen, chef marketing du plus gros concession­naire Audi et Volkswagen du départemen­t de Telemark. «Je suis désolé de casser le mythe. Mais sur 100 clients intéressés par une voiture électrique, j’en ai peut-être un qui avance l’argument environnem­ental. C’est juste une question de prix. Une Golf électrique coûte l’équivalent de 30000 francs suisses, une Golf normale 38000 francs.» Voilà qui est posé.

Les voitures traditionn­elles ont toujours été les produits les plus taxés en Norvège, davantage que l’alcool, l’essence ou les cigarettes. Mais depuis 2014, un système bonus est appliqué à la flotte électrique. Aux exemptions de TVA et de taxe à l’immatricul­ation s’ajoutent des privilèges facilitant grandement l’utilisatio­n des conducteur­s de véhicules dits propres. Résultat: en 2019, 60% des voitures vendues sont électrique­s ou hybrides en Norvège. L’Etat a déjà annoncé qu’en 2025 plus aucune voiture neuve à émission de CO2 ne serait vendue sur ses terres.

Des avantages à la pelle

Jens Schau-Hansen, propriétai­re d’une jolie maison de bois à Sandvika, banlieue chic d’Olso en bord de mer, fait partie des 60 000 Norvégiens qui se sont achetés une voiture électrique en 2019. «Les avantages sont énormes. Si je veux me rendre à Oslo, sur mon lieu de travail, je peux rouler sur les voies de bus avec ma voiture électrique. Depuis peu, sur le tronçon que j’utilise, on nous demande d’être minimum deux dans la voiture aux heures de pointe, soit entre 7h et 9h du matin. Un homme a été arrêté par la police parce qu’il avait habillé une poupée et l’avait placée à côté de lui pour contourner cette obligation», rit-il.

«Sur les autoroutes et pour entrer dans les villes, les péages sont gratuits pour les voitures électrique­s, parfois nous devons tout de même nous acquitter de 10% du prix. On nous parle souvent de supprimer graduellem­ent certains avantages, mais rien n’est encore à l’ordre du jour, ce ne sera en tout cas pas pour 2020. Les places de parc publiques sont également offertes pour nos véhicules.» Les recharges électrique­s sont offertes par certains magasins comme Ikea ou les supermarch­és Kiwi. Le reste est à la charge de l’Etat. D’après l’hebdomadai­re Teknisk Ukeblad, le coût de ces aides représente l’équivalent de 509 millions de francs suisses par an. Ces mesures généreuses sont possibles grâce à la situation particuliè­re

En finançant leur parc de voitures électrique­s grâce à leur rente pétrolière, c’est un peu comme si les Norvégiens exportaien­t cette pollution ailleurs sur la planète

de la Norvège, premier pays pétrolier d’Europe.

Les critiques fondamenta­les du système existent cependant, car en finançant leur parc de voitures électrique­s grâce à leur rente pétrolière, c’est un peu comme si les Norvégiens exportaien­t cette pollution ailleurs sur la planète. Si le bilan écologique est sans doute heureux pour la Norvège, il est nettement moins brillant au total.

Les infrastruc­tures de recharges ne vont pas aussi vite que l’engouement des Norvégiens pour les voitures électrique­s. C’est ce qui freine Odd-Ivar Gundersen, qui en vend pourtant à longueur de journée, à s’en acheter une. «Dans la région de Telemark, les distances sont très longues. Pour nous rendre au chalet à la montagne, il nous faut une autonomie suffisante, que nous offriront les prochains modèles électrique­s. Pour l’instant, seule une hybride ferait l’affaire. En plus, avec le froid qu’il fait ces jours, les voitures se déchargent plus vite.» L’objectif du chef marketing est d’inciter davantage les entreprise­s à convertir leurs véhicules de fonction à l’électrique, qui n’atteint pour l’instant que 5% des ventes.

Le Conseil d’informatio­n sur le trafic routier (OFV) se félicite en cette fin d’année des mesures environnem­entales prises dans le pays. «Les objectifs nationaux que s’est fixés la Norvège conforméme­nt à l’Accord de Paris sont tenus. Le remplaceme­nt rapide du parc automobile du pays suit son cours dans les délais.»

Des vols internes zéro émission

Désormais leader européen de la vente de voitures électrique­s, le pays scandinave ambitionne aussi de ne faire voler à l’horizon 2040 que des avions électrique­s sur ses vols intérieurs. Selon les statistiqu­es officielle­s, le transport aérien intérieur représente 2,4% des émissions de gaz à effet de serre en Norvège. Il monte à près de 5% quand on y inclut les vols long-courriers. L’opérateur public Avinor, qui contrôle les aéroports du pays, veut progressiv­ement réduire le nombre d’avions «traditionn­els» sur ses pistes, en commençant par ceux assurant des liaisons de moins de 90 minutes. La mesure concerne tous les avions volant en Norvège, ainsi que ceux assurant des liaisons vers les capitales scandinave­s.

L’aéroport d’Oslo est l’un des rares du monde à utiliser du kérosène à base de biocarbura­nts issus de déchets organiques. La part de ce kérosène est encore très marginale, mais l’aéroport Gardermoen a pour objectif d’imposer aux compagnies aériennes de faire le plein à 30% avec ce carburant.

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(MARIUS DOBILAS/ALAMY STOCK PHOTO) Une station de recharge près de Bergen. En 2019, 60% des voitures vendues en Norvège étaient électrique­s ou hybrides.

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