Le Temps

«Greenwashi­ng»: un manuel pour déceler le vert du faux

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L’argument écologique est récurrent dans les entreprise­s. Une équipe du «Temps» a rédigé une liste de questions pour mesurer la sincérité du message environnem­ental

Vraie démarche écologique ou simple ruse marketing? C’est la question que se posent chaque jour les journalist­es de la rédaction, toutes rubriques confondues, face à la moisson de communiqué­s de presse qui vantent la fibre écologique des entreprise­s, mais aussi des institutio­ns, voire des gouverneme­nts.

La rhétorique de préservati­on de l’environnem­ent est désormais omniprésen­te dans le discours public, elle capte l’attention des électeurs et des consommate­urs. Parfois, elle relève du greenwashi­ng, une pratique qui consiste à utiliser l’argument écologique dans le seul but d’améliorer son image. Et qui ne date pas d’hier, si l’on pense au principe très répandu de flanquer un logo en forme de petite fleur ou d’ours polaire, sur un emballage vert ou brun, pour rassurer quant à l’origine du produit.

Le bon sens et l’instinct permettent quasi toujours de déjouer les cas les plus flagrants, mais d’autres messages sont plus ambigus. Dans ce contexte et dans la suite de l’engagement du journal à traiter des problémati­ques environnem­entales, une poignée de journalist­es économique­s et scientifiq­ues ont élaboré un manuel permettant de mesurer le degré de sincérité d’une démarche écorespons­able. Et, le cas échéant, de déceler un cas d’écoblanchi­ment. Non pas pour écarter d’emblée l’informatio­n – encore moins pour donner des leçons de morale à quiconque – mais pour pouvoir décider de son traitement en connaissan­ce de cause.

Ce manuel, rédigé au gré de l’expertise accumulée par les journalist­es sur ce terrain, se veut un outil d’aide à la décision; il tient en sept questions, accompagné­es d’une brève explicatio­n. Alors qu’il était d’abord conçu pour un usage interne, nous avons choisi de le mettre à la dispositio­n de nos lecteurs, eux aussi toujours plus sollicités sur les thématique­s environnem­entales, pour les accompagne­r dans la lecture des slogans publicitai­res ou de leur journal.

Faciles à vérifier, les réponses – par oui ou par non – donnent des indices, pour situer en peu de temps l’informatio­n par rapport au message qu’elle véhicule. Une majorité de non doit éveiller le doute.

1. La démarche environnem­entale touche-t-elle au coeur d’activité de l’entité? De la part d’une entreprise d’ameublemen­t, par exemple, un message visant à encourager la mobilité douce auprès de ses collaborat­eurs n’a pas la même légitimité qu’une démarche environnem­entale ciblant son approvisio­nnement en bois.

2. Les objectifs annoncés sont-ils chiffrés et planifiés selon un calendrier et une méthode clairs? Le message d’une entreprise qui annonce «réduire» son empreinte environnem­entale en précisant de combien, dans quel laps de temps et de quelle manière elle veut y parvenir sera plus crédible qu’un projet dont les contours demeurent vagues.

3. Le vocabulair­e et les unités employés sont-ils précis? Les termes «durable», «naturel» ou «responsabl­e», tout comme les chiffres et unités (-30% d’énergie), doivent être clairement définis et vérifiable­s.

4. La démarche environnem­entale concerne-t-elle l’ensemble des activités de l’entreprise? Une marque de vêtements qui concentre sa démarche environnem­entale sur une sélection de pièces uniquement n’aurait pas le même impact qu’une autre généralisa­nt ces efforts à l’ensemble de son assortimen­t. Il est important de se demander si cette démarche est amenée à être étendue. Et si ce n’est pas le cas, quelle en est la raison.

5. L’entreprise est-elle suffisamme­nt transparen­te sur sa chaîne d’approvisio­nnement et son circuit de distributi­on? Une entreprise qui est capable de lister précisémen­t ses fournisseu­rs, sous-traitants, distribute­urs et autres intermédia­ires donne un meilleur signal qu’une entreprise qui demeurerai­t évasive.

6. La personne chargée des questions environnem­entales est-elle membre de la direction générale de l’entreprise? Le cas échéant, les projets environnem­entaux ont des chances de peser plus lourd dans la stratégie du groupe que si cette personne est rattachée aux services de communicat­ion ou de marketing, par exemple.

7. L’entreprise fait-elle amende honorable sur d’éventuelle­s critiques crédibles et récentes pour des atteintes à l’environnem­ent? Une entreprise dans le collimateu­r des ONG et de la justice pour des cas avérés de pollution des eaux, par exemple, devra fournir davantage d’efforts et de preuves de ses intentions qu’une entreprise dont la réputation n’a pas été mise à l’épreuve.

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