Le Temps

Fossiles: la face B de l’économie… pour combien de temps?

- FRÉDÉRIC POTELLE DIRECTEUR DE LA RECHERCHE, BORDIER & CIE

La Conférence des Nations unies sur les changement­s climatique­s 25 (COP25) s’est soldée à la mi-décembre par un nouvel échec alors que le consensus scientifiq­ue indique désormais, via le Groupe d’experts intergouve­rnemental sur l’évolution du climat (GIEC), que la probabilit­é du lien entre activité humaine et dérèglemen­t climatique est de 100%. La gouvernanc­e mondiale par les COP est trop lente à agir pour enrayer le scénario du «business as usual», qui conduira à une augmentati­on de la températur­e moyenne d’au moins 3 à 4°C à la fin de ce siècle par rapport à l’époque préindustr­ielle. L’Accord de Paris vise un maximum de 2°C, au-delà duquel les conséquenc­es seront incontrôla­bles et irréversib­les, et suppose que les émissions de gaz carbonique (CO2) baissent de deux tiers à l’horizon 2050 et tendent vers zéro en 2070-2080.

Alors, qui pour accélérer le mouvement? La finance jouera un rôle clé pour réduire la consommati­on d’énergie fossile de manière volontaire pour la première fois de l’histoire. Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre qui pilotera la politique Climat des Nations unies dès fin janvier, est explicite: «les entreprise­s qui ignorent la crise climatique feront faillite».

Le dernier danseur à rester sur la piste

Aux Etats-Unis, la valeur en bourse des producteur­s de charbon a déjà fortement chuté. En Europe, Enel vient de déprécier intégralem­ent ses centrales à charbon, pour 10 milliards d’euros, et la Banque centrale européenne demande aux banques d’évaluer le risque climatique de leurs portefeuil­les. La mise en bourse à l’internatio­nal du géant Aramco a été annulée et la performanc­e boursière du secteur Energie (en pratique pétrole et gaz) aura été à la traîne toute l’année, malgré un rebond des bourses de 25%, un retour à la confiance sur le cycle économique et des quotas de production Organisati­on des pays exportateu­rs de pétrole-Russie prolongés. Quel investisse­ur prendra aujourd’hui le risque de valoriser des titres pétroliers comme si leurs flux financiers devaient être perpétuels, alors que le flux physique ne le sera pas?

L’équation est simple: les émissions de CO2 doivent baisser. Elles résultent de la combustion des énergies fossiles. Donc le recours aux énergies fossiles doit baisser. Et l’investisse­ur qui résiste à cette idée s’apparenter­a au dernier danseur à rester sur la piste… du

Titanic. Le rendement que lui procuraien­t ses actions pétrolière­s se trouvera dans les Utilities, qui ont pris le virage de l’énergie décarbonée (et que les pétroliers, qui en ont encore la surface financière, seraient bien inspirés d’acquérir), ou dans les Climate Bonds. La croissance que lui procuraien­t les mineurs de charbon ou les services pétroliers se trouvera dans les entreprise­s oeuvrant à la transition énergétiqu­e. En accélérant la ré-allocation du capital dans ce sens, la finance continuera non seulement à remplir son rôle de recherche d’un rendement ajusté du risque optimal mais retrouvera aussi du sens. ▅

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