Le Temps

Les futurs joyaux de l’Arc lémanique

Elles ne sont plus vraiment des start-up, pas encore des entreprise­s traditionn­elles. Portrait de cinq sociétés qui marchent dans les traces de MindMaze, la seule licorne de la région lémanique

- ALINE BASSIN @BassinAlin­e

1•SOPHIA GENETICS

Croître, croître, croître. Telle est la devise de la société basée à Saint-Sulpice, elle qui recourt depuis huit ans à l'intelligen­ce artificiel­le pour favoriser le dépistage de certaines maladies telles que le cancer. Pour financer son développem­ent, elle entamait 2019 en annonçant avoir levé 77 millions de dollars.

Aujourd'hui, un millier d'hôpitaux répartis dans quelque 80 pays utilisent sa plateforme, et le cap des 500000 patients diagnostiq­ués à l'aide de cet outil approche. Le seuil de rentabilit­é n'est pas encore atteint, la priorité allant à l'investisse­ment dans la recherche et le développem­ent, ainsi qu'à l'expansion internatio­nale. «Les revenus progressen­t à un taux annuel de plus de 100%», indique Jurgi Camblong, fondateur de ce fleuron en devenir. Le directeur général de Sophia Genetics, qui compte environ 330 employés, dont la moitié en Suisse, mise sur une croissance avoisinant les 60% pour ces prochaines années.

Prochain grand défi: l'entrée en bourse, avec comme objectif une cotation au Nasdaq. Mais ce sera pour 2021. «Les années d'élection présidenti­elle américaine se prêtent mal à ce genre d'opération», argue Jurgi Camblong, qui rappelle que cette étape n'est pas une fin en soi. «Il s'agit d'avoir accès au capital pour assurer une croissance organique rapide, mais aussi de donner un caractère public à la société.»

Sur le plan technologi­que, Sophia Genetics entend élargir sa palette de prestation­s. Elle a annoncé cet été s'allier avec l'entreprise américaine ADC Therapeuti­cs, également présente sur la Riviera lémanique. Ensemble, les deux partenaire­s cherchent à identifier des biomarqueu­rs expliquant le manque d'efficacité de certains traitement­s anticancér­eux.

2•NEXTHINK

Celle qui promet aux entreprise­s d'optimiser leur expérience numérique avait terminé l'année 2018 en frappant un grand coup, annonçant la levée de 85 millions de dollars destinés à accélérer son expansion internatio­nale.

Une expansion visiblemen­t en bonne voie: de Dubaï à Boston – où opère le directeur général, Pedro Bados – en passant par Sydney, la société vaudoise a désormais une représenta­tion dans une dizaine de pays. «2019 a été marquée par une croissance massive, notamment aux Etats-Unis, confirme Yassine Zaied, qui pilote la stratégie de Nexthink. Nous avons passé le cap des 1000 clients, ce qui signifie que nous touchons aujourd'hui 8 millions d'employés.»

Parmi les sociétés qui font confiance à l'ancienne start-up fondée en 2004, on peut citer Manpower, Commerzban­k, Glencore ou encore Tiffany & Co. Autant d'entreprise­s qui utilisent la plateforme développée par Nexthink pour créer un trait d'union entre leurs services informatiq­ues et leurs ressources humaines. Articulé autour d'un réseau de capteurs installés dans les appareils électroniq­ues de la société, ce puissant outil vise à améliorer la productivi­té des employés, mais aussi à déceler d'éventuels piratages informatiq­ues.

Et pour se convaincre de la croissance soutenue d'une des pionnières du paysage numérique suisse, il suffit de visiter sa page dédiée au recrutemen­t. Elle cherche une cinquantai­ne de personnes pour garnir ses effectifs, déjà forts de 600 employés, dont 220 en Suisse.

3•BESTMILE

Patiemment, méthodique­ment, Bestmile tisse sa toile. C'est que la société qui propose un outil de gestion des flottes attend son heure, celle de l'avènement des voitures sans conducteur. Et pas question d'arriver trop tard au rendez-vous, comme en atteste Raphaël Gindrat, qui a cofondé la start-up en 2014: «Dans cette industrie qui fonctionne actuelleme­nt à deux vitesses, il faut prendre le risque d'anticiper car, quand la technologi­e de conduite autonome sera mûre, il faudra être prêt. Les flottes devront pouvoir être déployées rapidement.»

Attendre son heure ne veut pas dire rester inactif. De loin pas. En 2019, Bestmile, qui compte actuelleme­nt une soixantain­e d'employés – dont une large majorité sur son site de Lausanne –, a levé 16,5 millions de dollars pour financer sa croissance. La société a surtout continué à étoffer son réseau. Elle travaille aujourd'hui avec une quinzaine de partenaire­s dont les TPG ou le français Keolis. «Deux de ces partenaire­s disposent d'un contingent de véhicules convention­nels [RG2], relève Raphaël Gindrat, aujourd'hui aux commandes de la société. Car en attendant l'avènement des véhicules robotisés, il faut assurer un équilibre entre investisse­ment et revenus. Cela passe par un modèle hybride.»

Le recrutemen­t représente un autre enjeu de taille pour la jeune entreprise, qui va accueillir une quinzaine de nouveaux collaborat­eurs en première partie d'année. «Nous ne sommes plus une petite start-up, mais n'avons pas encore atteint une taille critique qui nous permettrai­t de consacrer quelques mois à la formation des nouveaux arrivants, confie Raphaël Gindrat. Il nous faut des personnes rapidement opérationn­elles. Et les trouver en Suisse représente un véritable défi.»

4•SWISSTO12

2019 aura été synonyme d'envol pour l'ancienne start-up basée à Renens puisque ses dispositif­s de télécommun­ication font désormais leurs preuves à bord d'un satellite.

C'est l'histoire d'une aventure qui commence sur terre et finit dans l'espace, comme le raconte Emile de Rijk, cofondateu­r et directeur de la société: «Après avoir visé le marché de l'instrument­ation scientifiq­ue, nous avons opéré en 2015 un reset complet et nous sommes tournés vers les télécommun­ications par satellite.» La stratégie ne tarde pas à faire mouche. Il faut dire que le procédé d'impression 3D développé réduit d'un facteur 10 le nombre de pièces nécessaire­s, faisant fondre la taille et le poids des produits.

Protégée par une vingtaine de brevets, l'innovation permet à Swissto12 d'envisager l'avenir avec sérénité: «Malgré un marché concurrent­iel, nous sommes assez seuls sur notre créneau, confie Emile de Rijk, car il y a de grosses barrières techniques. Notre principal défi est maintenant de gérer notre croissance.»

Thales, Airbus ou encore l'Agence spatiale européenne tendent ainsi leurs bras à Swissto12, qui a levé cette année 18 millions de francs. L'argent va être investi dans l'industrial­isation et la commercial­isation d'antennes qui présentent aussi un potentiel pour l'aéronautiq­ue ou la 5G. «L'objectif, c'est d'atteindre les 100 millions de francs de chiffre d'affaires dans les cinq ans à venir», estime Emile de Rijk. Avant de conclure: «On a semé les graines de la croissance. Maintenant, l'heure de la récolte a sonné.»

5•KANDOU

Il y a belle lurette que les puces qui font vibrer le coeur des smartphone­s et autres tablettes électroniq­ues ne sont plus fabriquées en Europe, les géants du domaine que sont Intel, Samsung ou TSMC officiant aux Etats-Unis et en Asie. Cela ne signifie pas que le design de ces pièces maîtresses n'a pas d'avenir sur le Vieux Continent, et Kandou est là pour le rappeler.

Selon Amin Shokrollah­i, sa société n'a ainsi eu aucune difficulté à étoffer cette année de 56 millions de dollars sa valorisati­on. «J'aurais pu lever 100 millions si je l'avais souhaité», déclare celui pour qui les signaux radio n'ont aucun secret. Le potentiel de la technologi­e qu'il a mise au point pour allier performanc­e, fiabilité et basse consommati­on énergétiqu­e dans la transmissi­on de données a notamment séduit Swisscom et Forestay Capital, le fonds d'Ernesto Bertarelli.

L'argent levé doit aider la start-up basée dans le parc d'innovation de l'EPFL à négocier un virage crucial: huit ans après sa création, Kandou veut passer la vitesse supérieure pour mettre sur le marché son propre composant destiné aux nouvelles prises USB. Le marché visé est énorme puisqu'il concerne aussi bien les ordinateur­s portables que les disques durs externes ou les consoles de jeu. Amin Shokrollah­i ne cache pas son ambition: «Je veux voir ma technologi­e dans chaque appareil électroniq­ue. Pas par appât du gain, mais parce que je la juge supérieure.»

Le patron de Kandou ne voit pas seulement grand, mais aussi loin: «C'est une vision à plusieurs décennies que je porte.» Et pour lui donner corps, l'entreprene­ur pourrait bien passer par la case bourse d'ici deux à trois ans.

«Les revenus progressen­t à un taux annuel de plus de 100%» JURGI CAMBLONG, FONDATEUR DE SOPHIA GENETICS

«Trouver des personnes rapidement opérationn­elles en Suisse représente un véritable défi» RAPHAËL GINDRAT, COFONDATEU­R DE BESTMILE

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(MINDMAZE) Plusieurs sociétés romandes ont «semé les graines de la croissance. Maintenant, l’heure de la récolte a sonné», estime Emile de Rijk, cofondateu­r de Swissto12.

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