Le Temps

Un «vaccin» pour soigner la migraine chronique

Quelque 1600 personnes en Suisse se soignent avec l’Erenumab, un nouveau médicament qui réduit de moitié la fréquence de ces violents maux de tête. Son coût est très élevé, mais sa prescripti­on est d’ores et déjà remboursée

- MARIE MAURISSE @MarieMauri­sse

Les personnes souffrant de migraines chroniques représente­nt 10 à 15% de la population suisse. Depuis vingt ans, aucune innovation majeure ne permettait de lutter contre ce fléau

■ Autorisé en 2018, l’Erenumab, vendu en Suisse sous le nom d’Aimovig, révolution­ne le traitement des céphalées. Son principe est prophylact­ique: il diminue et prévient les migraines

■ Il se présente sous forme de stylo dont on s’injecte le contenu. «C’est un véritable tournant, assure la présidente de l’associatio­n suisse Migraine Action. Cela change la vie des gens.»

Depuis l’arrivée des triptans sur le marché, dans les années 1990, aucun nouveau traitement n’était venu soulager les personnes souffrant de migraines chroniques, qui représente­nt entre 10 et 15% de la population en Suisse. Jusqu’à l’arrivée de l’Erenumab, autorisé à l’été 2018 et administré actuelleme­nt à quelque 1600 personnes dans notre pays, selon des chiffres inédits communiqué­s au Temps par la faîtière des assureurs maladie Curafutura et les entreprise­s SASIS et COGE.

L’Erenumab, vendu en Suisse sous le nom d’Aimovig, a été développé par Novartis en partenaria­t avec la firme américaine Amgen. Il se présente sous la forme d’un petit stylo dont on s’auto-injecte le contenu une fois par mois dans l’abdomen ou la cuisse. Son principe est prophylact­ique: il diminue et prévient la venue des crises de migraine grâce à un anticorps de synthèse qui bloque l’action d’une protéine, le «peptide associé au gène calcitonin­e» (CGRP selon l’acronyme anglais), présent en plus grande quantité chez les migraineux.

Deux fois moins de migraines

L’origine de la maladie, liée à la dilatation des vaisseaux sanguins au niveau des méninges, reste méconnue. Celle-ci induit des céphalées très douloureus­es, parfois des nausées, des vomissemen­ts, des auras visuelles ainsi qu’une intoléranc­e à la lumière. Pour environ 200 000 personnes en Suisse, selon l’étude Eurolight, ce cauchemar se produit plus de quinze jours par mois, réduisant leur énergie et leurs envies à néant, pesant sur leur travail, leurs loisirs et leur vie sociale.

Chez ces patients, les essais cliniques de l’Erenumab étaient déjà très encouragea­nts: le médicament avait fortement diminué la fréquence des crises dès le premier mois, avec cinq à six jours de migraine en moins au bout de huit semaines. Un petit miracle, qui se confirme maintenant que le traitement est sur le marché. «Pour nous, c’est un véritable tournant, explique Colette Andrée, présidente de l’associatio­n suisse Migraine Action. Cela change la vie des gens.»

Pour elle, «c’est la première fois qu’un traitement est spécifique­ment conçu pour la migraine», les autres médicament­s ayant initialeme­nt été développés dans d’autres buts et leurs effets antimigrai­neux découverts de manière fortuite. Des pis-aller s’accompagna­nt

«C’est la première fois qu’un traitement est spécialeme­nt conçu pour la migraine. Cette maladie est enfin reconnue et prise au sérieux»

COLETTE ANDRÉE, PRÉSIDENTE DE MIGRAINE ACTION

d’effets secondaire­s tels que la somnolence pour les antiépilep­tiques. Quant aux triptans, ils sont déconseill­és aux personnes cardiaques ou aux plus de 65 ans.

616 francs par injection

L’efficacité de l’Erenumab a un coût: 616 francs par injection. En Suisse, comme en Allemagne, en Espagne ou en Autriche – mais pas encore en France – ce montant est remboursé par l’assurance de base. Mais pour pouvoir en bénéficier, les patients doivent répondre à de nombreux critères: souffrir de céphalées presque un jour sur deux, et surtout ne pas répondre aux triptans, qui ont pour effet de contracter les vaisseaux sanguins. Et enfin, ne pas être réactifs non plus aux traitement­s de fond, soit une prise quotidienn­e de bêtabloqua­nts ou d’antiépilep­tiques. C’est un neurologue, exclusivem­ent, qui peut prescrire l’Erenumab.

Depuis plus d’un an maintenant qu’il est disponible, l’Erenumab est déjà entré dans les moeurs. Selon les chiffres fournis par Curafutura, 12 499 boîtes ont été remboursée­s en Suisse entre novembre 2018 et octobre 2019, pour un chiffre d’affaires total de plus de 7 millions de francs. Ce montant est supérieur à celui des remboursem­ents liés au Relpax, le plus consommé des triptans. Et représente 18% du marché national des antimigrai­neux, pour lesquels l’assurance de base a déboursé 38 millions de francs sur cette période.

Ce succès inspire déjà la concurrenc­e: un équivalent de l’Erenumab à injecter en intraveine­use, fabriqué par le laboratoir­e Alder Biopharmac­euticals, devrait être mis sur le marché d’ici à la fin de l’année. Malgré une inconnue: on ignore encore les effets à long terme de ces inhibiteur­s des CGRP.

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(YASMINE GATEAU) L’Erenumab, vendu en Suisse sous le nom d’Aimovig, agit grâce à un anticorps de synthèse qui bloque l’action d’une protéine, le «peptide associé au gène calcitonin­e», présent en plus grande quantité chez les migraineux.

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