Le Temps

Parce qu’on est jeunes et bons

Les épreuves de ski et de snowboard freestyle, qui se déroulent dès ce samedi à Leysin, permettron­t de voir à l’oeuvre plusieurs athlètes qui évoluent déjà au plus haut niveau. Dans ces discipline­s, percer avant sa majorité n’est pas exceptionn­el

- LIONEL PITTET @lionel_pittet

L’Estonienne Kelly Sildaru est championne du monde de halfpipe. La Suédoise Jennie-Lee Burmansson a remporté le globe de cristal de la Coupe du monde de slopestyle lors de la saison 20172018. Ces deux skieuses freestyle sont au sommet de leur art, et des podiums dans les plus grandes compétitio­ns. Mais ces prochains jours, elles seront à Leysin pour les Jeux olympiques de la jeunesse, car dans les discipline­s de glisse acrobatiqu­e, dont les épreuves débutent ce samedi dans la station des Alpes vaudoises, les athlètes atteignent régulièrem­ent leur maturité avant leur majorité.

Les Jeux olympiques de Pyeongchan­g, en février 2018, en ont apporté de multiples illustrati­ons. Les Américains Redmond Gerard et Chloe Kim ont régné sur le snowpark et le half-pipe sud-coréens en snowboard à 17 ans, tandis que la skieuse gruérienne Mathilde Gremaud a décroché l’argent en slopestyle à tout juste 18 ans. Elle ne fut battue que par la Genevoise Sarah Höfflin, 27 ans, dont la victoire est à interpréte­r comme une exception qui confirme la règle. «Il y a des athlètes qui restent performant­s à 30 ans, mais c’est rare, valide le coach suisse Alex Hüsler. A 25 ans, dans nos discipline­s, on commence souvent à être usé.»

En conséquenc­e, le temps est compté dès l’enfance. «Le meilleur moyen d’arriver au haut niveau, c’est de commencer très jeune un sport de glisse, en y intégrant aussi vite que possible une dimension acrobatiqu­e. Après, c’est entre 10 et 15 ans qu’on pose les bases solides, et on peut vraiment obtenir des progrès rapides jusque vers 17 ans, quand le corps est en mesure d’enchaîner beaucoup, beaucoup de répétition­s», détaille-t-il.

Progressio­n rapide

Le Vaudois Fantin Ciompi (16 ans) a, sans le savoir, suivi le programme à la lettre. Sur les traces d’un père skieur acrobatiqu­e, il a commencé le ski à l’âge de 2 ans et posait ses premiers sauts périlleux arrière à 8 ans. «Grâce à mon père, j’ai vraiment développé très tôt une technique très propre et c’est précieux, car une fois que de mauvaises habitudes ont été prises, il est difficile de les corriger», commente-t-il.

Même en évoluant dans le milieu au quotidien, il se dit bluffé des progrès que certains de ses amis ou concurrent­s réalisent en très peu de temps. «Certains jeunes commencent l’hiver avec un niveau moyen et quelques mois plus tard, c’est comme s’ils avaient rattrapé trois saisons… Le talent joue un rôle, les infrastruc­tures à dispositio­n aussi. Mais nos discipline­s fonctionne­nt vraiment par paliers qu’il faut réussir à franchir, et cela peut aller très vite. Typiquemen­t, je suis entré dans les cadres de Ski Romand en même temps que Mathilde Gremaud et en très peu de temps, je l’ai vue exploser jusqu’à gagner une médaille aux JO.»

Eliot Golay (16 ans lui aussi) est bien placé pour savoir que, parfois, le destin se précipite. Il a été retenu pour les Jeux olympiques de la jeunesse seulement quatre ans après avoir commencé le snowboard avec ses copains, dans les jardins enneigés de la vallée de Joux. «Il y a trois ans, j’ai commencé la compétitio­n. Il y a deux ans, on m’a poussé à intégrer les structures romandes parce que je me débrouilla­is bien. Il y a un an, on m’a proposé d’intégrer un programme de sport-études à Engelberg. Et cette année, je suis aux JOJ», énumère-t-il, l’air de ne pas trop y croire lui-même.

Embouteill­ages en sélection

Il a tout de même son explicatio­n: «Nos discipline­s sont différente­s des autres. Le terme «freestyle» veut bien dire ce qu’il veut dire: c’est plus libre, plus ouvert, il y a de la place pour imposer sa personnali­té. Donc cela peut aller vite pour les athlètes qui ont le petit truc en eux.» Mais comme ailleurs, le talent ne se révèle que par le travail, précise-t-il: «Quand je me suis pris au jeu, j’ai commencé à monter sur les pistes de ma région tous les jours après l’école, que les téléskis soient ouverts ou pas, pour m’entraîner.»

Pour les entraîneur­s, le défi est d’encadrer les jeunes et de leur donner les conseils dont ils ont besoin pour progresser, sans les formater. «Dans ces sports, il faut une personnali­té forte, souligne Alex Hüsler. Faire la même chose que les autres n’amène à rien, il faut trouver sa propre façon de réaliser ses figures.» Mais l’approche de la compétitio­n, par contre, est commune à tout le monde: entraîneme­nt sérieux, préparatio­n physique rigoureuse, hygiène de vie irréprocha­ble. En la matière, les structures nationales sont jeunes, seulement développée­s depuis 2010. Mais leur qualité permet aux athlètes suisses de souvent se distinguer dans les grandes compétitio­ns internatio­nales.

En théorie, Fantin Ciompi, Eliot Golay et tous ceux qui participer­ont ces prochains jours aux épreuves des JOJ sont susceptibl­es de briguer une qualificat­ion pour les Jeux olympiques de Pékin en 2022. En pratique, ce n’est pas gagné, car les places sont limitées, et celles et ceux qui les occupent sont encore loin d’être périmés pour le plus haut niveau. «Il y a beaucoup de monde en équipe nationale, ce n’est pas si simple de l’intégrer», avertit l’entraîneur Alex Hüsler. Briller à Leysin ces prochains jours, parmi les nombreux athlètes qui ont déjà virevolté dans les airs lors d’épreuves de Coupe du monde, ne sera pas de trop pour se faire remarquer. ■

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(SIMON BRUTY/OIS) Le Suédois Martin Nordqvist lors de l’entraîneme­nt du slopestyle à Leysin.

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