«La campagne contre l’huile de palme est biaisée»
Le sort de l’accord de libre-échange Suisse-Indonésie est suspendu au référendum lancé par les paysans et écologistes suisses. Musdhalifah Machmud, vice-ministre indonésienne de l’Agriculture, tente de redorer l’image de cette huile accusée de mettre en danger les orangs-outans
Diplomatique, sereine, mais ferme, Musdhalifah Machmud, vice-ministre indonésienne de l’Agriculture. «Nous respectons le système politique suisse qui tient compte de la voix de citoyens, a-t-elle lancé jeudi lors d’un entretien avec Le Temps en marge d’une mission à l’OMC à Genève. Il va de soi que nous n’allons pas intervenir dans un processus politique qui est propre à la Suisse. Mais nous espérons que les Suisses saisiront les enjeux et se prononceront en connaissance de cause.» Et d’insister: «Notre respect est naturel. D’autant plus qu’après l’Inde et les Etats-Unis, l’Indonésie est la troisième plus grande démocratie du monde.»
Ses propos visaient le référendum lancé il y a un mois par des paysans et écologistes suisses contre l’accord de libreéchange (ALE) Suisse-Indonésie et signé par les deux pays à la fin de l’année dernière. Les initiants se disent confiants de récolter les 50000 signatures nécessaires d’ici à fin avril. Passé cette étape et une campagne qui promet d’être ardue, le vote aurait lieu d’ici à quinze mois.
«Les plantations de palmiers n’occupent que 6% du territoire indonésien»
L’Indonésie, un immense marché
Pour la Suisse, il s’agit d’accéder à un marché en pleine croissance de 260 millions d’habitants et où les droits de douane pour les produits industriels vont jusqu’à 50%.
La contestation de l’ALE Suisse-Indonésie se cristallise autour de l’huile de palme. Selon les promoteurs du référendum, sa production se fait au grand dam de la forêt tropicale et de la biodiversité, notamment des orangs-outans, ces grands singes qui vivent sur l’île de Sumatra. «Beaucoup de mauvaises perceptions et des clichés circulent sur ces questions, insiste Musdhalifah Machmud. Les plantations de palmiers n’occupent que 6% de l’ensemble de notre territoire, soit 14 millions hectares.» Et d’ajouter: «De nouvelles concessions sont accordées au compte-gouttes et selon des critères stricts en matière de respect de l’environnement et de droits humains. La campagne contre l’huile de palme est biaisée.»
Une couverture forestière de 50%
Selon la ministre, les forêts et parcs nationaux couvrent 27 milliards d’hectares. La population, 260 millions d’Indonésiens, eux, se partagent 60 millions d’hectares. Le reste du territoire est consacré à l’agriculture, notamment au riz – le pays en produit 39 millions de tonnes et en exporte une partie –, au caoutchouc, au cacao et au café. La culture de café ne cesse de s’étendre; la demande dans le pays augmente de 20% chaque année. «La couverture forestière indonésienne est de 50%», fait-elle remarquer. A titre de comparaison, en Suisse, elle est de 28%.
Qui produit l’huile de palme? «Avant tout, les petites exploitations familiales – 7 millions – qui représentent 42% de la production nationale, répond la vice-ministre. Notre pays est constitué de plus de 17000 petites îles qui se prêtent à la culture de palmiers. Toutefois, la topologie montagneuse rend les exploitations industrielles difficiles.» Le reste est produit par des entreprises nationales et internationales, notamment néerlandaises et belges. La plante a effectivement été introduite il y a une centaine d’années en Indonésie par les colons du Benelux qui y sont restés jusqu’en 1945.
Oui à la certification
«L’Indonésie n’est pas opposée à un système sérieux de certification qui garantit une production durable de l’huile de palme, souligne Musdhalifah Machmud. Des améliorations dans la gestion du sol, dans les pratiques agricoles ainsi que dans les conditions de travail sont toujours possibles.» En même temps, selon elle, la certification ne doit pas servir de barrière commerciale. «Il appartient à l’Etat suisse et aux syndicats agricoles de diffuser des informations sans biais, plaide la vice-ministre. De nombreux Etats défendent le libre-échange, mais en réalité, ils craignent la concurrence et dressent des obstacles au nom de la protection de l’environnement et de droits sociaux.»
A ce propos, Musdhalifah Machmud tient à souligner que l’huile de palme d’Indonésie n’est pas en concurrence avec les producteurs suisses d’huile de colza. Selon elle, l’ALE Suisse-Indonésie prévoit un système de quotas qui rend impossible le remplacement de l’huile suisse par l’huile de palme. ▅