Le Temps

Le coronaviru­s se propage et affole les marchés

Alors que l’Italie du Nord cède à la panique, le Tessin reste calme, continuant à célébrer le carnaval. Mais la Suisse mobilise toutes ses forces et prend de nouvelles mesures, même si aucun cas de coronaviru­s n’a encore été confirmé

- GEMMA D’URSO ET MICHEL GUILLAUME t @GemmadUrso t @mfguillaum­e

De la Chine à l’Iran, de la Corée du Sud à l’Italie, la contaminat­ion s’accélère dans le monde, entraînant un effet de panique sur les bourses mondiales, qui ont plongé

■ En Suisse, aucun cas d’infection par le coronaviru­s n’a été confirmé pour l’instant, mais plusieurs cas de confinemen­t sont signalés et le dépistage sera intensifié

■ Alors que le ministre de la Santé Alain Berset se veut rassurant, l’OMS juge la situtaion «très préoccupan­te». A Lyon, un laboratoir­e cherche l’antidote à l’agent pathogène

Quel contraste des deux côtés de la frontière! En Italie voisine, la Lombardie, la Vénétie, le Piémont et l’Emilie-Romagne – où se concentrai­ent la majorité des 220 cas confirmés de coronaviru­s – ont pris des mesures draconienn­es: fermeture d’écoles, de musées et des établissem­ents publics à partir de 18h. Les étalages des centres commerciau­x étaient vides à partir de dimanche déjà tant la population avait hâte d’accumuler les réserves de nourriture. Les pharmacies se sont rapidement trouvées à court de masques de protection et de désinfecta­nt pour les mains.

Pas de panique au Tessin

Du côté suisse de la frontière, le Tessin ne cède en revanche pas à la panique. A Lugano, la traditionn­elle «risottata» offerte aux citoyens à l’occasion du carnaval a eu lieu comme prévu au centre-ville et le temps ensoleillé et chaud a attiré environ 5000 personnes qui ont mangé en plein air, au coude à coude. La seule mesure restrictiv­e prise a été la fermeture, pour quelques jours, de l’Ecole américaine de Sorengo dans la banlieue de Lugano. Mais les rumeurs sont allées bon train. Selon l’une d’entre elles, Schindler à Locarno aurait renvoyé ses frontalier­s, ce que l’entreprise a démenti. Elle s’est contentée de conseiller le télétravai­l si possible, et cela à tous ses employés.

«Nous suivons la situation d’heure en heure et nous restons sereins» ALAIN BERSET, MINISTRE DE LA SANTÉ

Le carnaval de Bellinzone, Rabadan, considéré comme le troisième plus important de Suisse après ceux de Bâle et de Lucerne, s’achèvera ce mardi. Il s’est déroulé jusqu’ici sans encombre, le cortège de dimanche ayant attiré 25000 personnes. Contrairem­ent à l’Italie voisine, aucune restrictio­n ou fermeture n’a été adoptée par les autorités cantonales qui, dimanche dans un premier temps, ont simplement indiqué que «la situation était sous contrôle.»

Groupe de coordinati­on élargi

Un groupe de coordinati­on élargi a cependant été mis sur pied et est prêt à intervenir à tout moment, a précisé le médecin cantonal Giorgio Merlani. La population a été appelée à prendre de simples mesures préventive­s comme le lavage des mains et, en cas de doute, elle a été invitée à s’adresser à son propre médecin, au médecin de garde ou au numéro d’urgence 144. Mais elle est priée de ne pas prendre d’assaut les urgences des hôpitaux.

Giorgio Merlani a en outre indiqué lundi lors d’un point de presse que le Groupe de coordinati­on cantonal opère déjà depuis plusieurs semaines, formé qu’il est d’une vingtaine de médecins et de spécialist­es en contact permanent avec les autorités fédérales et italiennes. Il a appelé à ne pas dramatiser la situation: «Depuis vendredi, une série de cas se sont présentés en Lombardie, les cas se sont rapidement diffusés sans qu’il y ait eu clairement de liens avec la Chine ou de personnes venues de Chine, d’où la difficulté de cerner ce virus. Si des cas suspects devaient se révéler au Tessin, nous devons être prêts à faire des tests rapides en collaborat­ion avec un laboratoir­e de Genève.»

Pour l’heure, il n’y a toujours pas de cas de virus avéré, même si Giorgio Merlani a admis ne pas pouvoir exclure qu’il en survienne prochainem­ent. «Dans ce cas de figure, nous l’annonceron­s. Nous ne cacherons rien», a promis le médecin cantonal. Des restrictio­ns de visites dans les hôpitaux et les maisons de retraite ont aussi été annoncées et un appel à la prudence générale et au bon sens a été lancé.

Une inquiétude croissante

Du côté de Berne, à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), on mesure le fossé qui peut séparer la réalité actuelle, rassurante, de la perception de cette réalité. L’inquiétude grandit, indéniable­ment. En un jour, les appels sur la hotline ont presque doublé, passant de 170 à 270 de samedi à dimanche.

C’est la raison pour laquelle le ministre de la Santé, Alain Berset, a jugé utile de se déplacer en personne pour diriger le point de presse de l’OFSP. «Nous suivons la situation d’heure en heure et nous restons sereins», a-t-il souligné. A l’OFSP, le virus tient désormais constammen­t en alerte une quarantain­e de personnes. Son directeur, Pascal Strupler, pilote une task force qui se réunit trois fois par semaine. Un état-major fédéral pour la protection de la population rassemble en outre les directeurs d’office concernés.

Après avoir siégé ce lundi matin, la task force de l’OFSP a annoncé des mesures supplément­aires. Les tests sur des personnes présentant des symptômes de type grippal seront intensifié­s en Suisse, tandis que la ligne téléphoniq­ue d’urgence sera renforcée dans toutes les langues nationales. De plus, Berne lance une campagne d’informatio­n aux frontières et dans les aéroports à l’intention des voyageurs et des pendulaire­s.

«Nous sommes bien préparés.» La Confédérat­ion travaille en étroite collaborat­ion avec les cantons. Les hôpitaux, a-t-on assuré, disposent de suffisamme­nt de lits pour accueillir des personnes en quarantain­e. Pourtant, malgré ces mesures, on pressent chez les responsabl­es du dossier à l’OFSP que l’arrivée des premiers cas n’est plus qu’une question de temps.

L’UDC récupère la crise

Les médias et les réseaux sociaux relaient de nombreux scénarios plus ou moins catastroph­istes. A qui incombe la responsabi­lité d’annuler des manifestat­ions sportives, politiques et même des messes? Faut-il envisager de fermer le tunnel du

Gothard? Ce sera aux cantons d’intervenir, a précisé l’OFSP.

Dans l’immédiat, un parti tente de récupérer la crise du coronaviru­s: l’UDC. Dans un communiqué signé du président, Albert Rösti, elle exige des «contrôles rigoureux aux frontières». Selon elle, les mesures communiqué­es par l’OFSP ne suffisent pas face au risque que représente­nt les 70000 frontalier­s en provenance d’Italie. «Les voyageurs entrant en Suisse doivent être soumis à des tests médicaux rapides et l’entrée en Suisse doit être refusée aux personnes malades.» Des mesures «irréaliste­s», selon la conseillèr­e nationale et diabétolog­ue Brigitte Crottaz (PS/VD). «C’est, d’une part, matérielle­ment impossible et, d’autre part, la meilleure manière de favoriser la panique. La meilleure chose à faire est d’en appeler au bon sens des gens et de leur demander de rester à la maison en cas de symptômes du coronaviru­s tout en consultant un centre d’urgence de dépistage.»

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Un carabinier contrôle un véhicule aux abords de Bertonico, à 55 kilomètres de Milan. Le village (1200 habitants) est l’une des 11 agglomérat­ions italiennes

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