Le Temps

Julian Assange, l’épreuve de vérité

Le premier jour du procès d’extraditio­n du fondateur de WikiLeaks vers les Etats-Unis s’est ouvert hier à Londres. Il est accusé entre autres d’avoir violé l’Espionage Act en publiant des documents confidenti­els sur l’armée américaine

- ÉLODIE GOULESQUE, LONDRES @Eloditeur

Un tribunal londonien a commencé lundi à examiner la demande d’extraditio­n de Julian Assange vers les Etats-Unis, où il risque jusqu’à 175 ans de prison. Le fondateur de WikiLeaks a reçu le soutien de nombreux manifestan­ts qui appellent à sa libération.

Avant de les voir, on les entend. Casseroles à la main, sifflets à la bouche, ils étaient une petite centaine de manifestan­ts venus soutenir Julian Assange lundi matin devant la Cour de justice de Woolwich, au sud de Londres. Certains sont arrivés la veille, d’autres très tôt le matin et tous se sont donné rendez-vous auprès de celui qu’ils considèren­t comme le défenseur de la liberté d’expression: le fondateur de WikiLeaks.

Parmi eux, beaucoup de Français. Sylvie, une libraire de 56 ans, a fait le trajet de Grenoble jusqu’à Paris, où elle a retrouvé les 140 personnes qui ont pris le bus jusqu’à Londres pour la journée. «C’est important d’être ici pour demander la libération de Julian», explique-t-elle comme s’il s’agissait d’une connaissan­ce proche. Dans la petite foule de manifestan­ts, beaucoup arborent des gilets jaunes, en référence au mouvement de protestati­on en France. Bernard fait partie de ceux qui portent la veste fluorescen­te: «Il nous représente, ce gars-là, c’est super important qu’il y ait des gens comme ça, c’est crucial pour notre survie», affirme ce Breton de 65 ans.

Au milieu de quelques dizaines de manifestan­ts qui tentent de se mettre à l’abri de la pluie et se retrouvent autour d’une buvette improvisée, Neil et Emilia discutent. Tous les deux ont fait plus de deux heures de train depuis leurs villages respectifs, à l’ouest de Londres, pour venir soutenir leur idole. Si Neil suit Assange «depuis toujours», Emilia dit avoir été «sortie de son sommeil» en voyant les images d’Assange arrêté l’an dernier à Londres, après sept années d’exil dans l’ambassade équatorien­ne: «Je me suis dit que je devais faire quelque chose, que le gouverneme­nt n’était pas de notre côté», se souvient-elle. Emilia et Neil sont surpris du manque de couverture médiatique au Royaume-Uni, les journaux et télévision­s britanniqu­es évoquant à peine le sujet ce matin-là. Un détail pour Neil, qui a arrêté de s’informer via les médias «traditionn­els» pour leur préférer YouTube.

La presse, justement, se trouve, elle, de l’autre côté de la grille, dans l’enceinte du tribunal. De nombreux journalist­es font la queue pour pouvoir assister à la retransmis­sion en direct du procès dans une petite salle annexe, souvent en vain. Mais devant la salle d’audience numéro 2, un agent de sécurité fait un signe discret pour dire d’approcher. Dans un carré découpé dans le papier qui floute la vitre de la salle, on peut jeter un petit coup d’oeil vers la droite et apercevoir l’homme du jour.

A l’inverse des images de son arrestatio­n en avril dernier montrant un homme ayant l’air plus vieux que ses 48 ans et fatigué, Julian Assange est aujourd’hui rasé de près, cheveux courts, lunettes noires posées sur la tête et l’air concentré mais plutôt détendu,

«C’est super important qu’il y ait des gens comme ça, c’est crucial pour notre survie» BERNARD, MANIFESTAN­T PRO-ASSANGE

assis derrière une vitre de plexiglas. Ce matin, c’est le camp américain qui fait sa plaidoirie par le biais de son représenta­nt James Lewis. Ce dernier estime que «des vies américaine­s ont été mises en danger» à cause des 250000 câbles diplomatiq­ues et 500000 documents confidenti­els publiés par WikiLeaks en 2010 sur les activités militaires américaine­s en Irak et en Afghanista­n. James Lewis fait référence à la publicatio­n des noms de sources comme des défenseurs des droits de l’homme ou des journalist­es qui fournissai­ent des informatio­ns sur des organisati­ons terroriste­s telles qu’Al-Qaida.

Dix-huit charges retenues

Lors d’une courte pause, John Shipton, le père de Julian Assange, commente: «Il n’y a pas de preuves et cette première matinée ne sert qu’à voir comment va réagir la presse.» L’homme aux cheveux blancs dit qu’il va bien mais qu’il «est «inquiet pour Julian». Cette première semaine d’audience dans le cadre de l’extraditio­n de Julian Assange, contre lequel 18 charges sont retenues, va permettre aux différente­s parties de présenter leur défense. Ce mardi, ce sont les avocats du fondateur de WikiLeaks qui prendront la parole et le reste de la semaine devrait déterminer si des témoins anonymes peuvent venir témoigner et apporter des preuves. L’enjeu de la semaine pour les soutiens d’Assange est de démontrer que cette extraditio­n vers les EtatsUnis est motivée par des raisons politiques, auquel cas cela ne rentrerait pas dans le cadre du traité d’extraditio­n conclu entre le Royaume-Uni et son cousin d’outre-Atlantique en 2003.

A la fin de la semaine, l’audience sera ajournée, avant de reprendre aux alentours du 18 mai pour trois semaines. S’il était extradé, Julian Assange pourrait être condamné à une peine de 175 ans de prison pour, entre autres, piratage informatiq­ue et espionnage.

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FONDATEUR DE WIKILEAKS
JULIAN ASSANGE FONDATEUR DE WIKILEAKS

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