Le punching-ball des démocrates
Candidat à la présidentielle, le multimilliardaire et ex-républicain Mike Bloomberg a déjà dépensé près de 400 millions de dollars dans des spots publicitaires anti-Trump. Sa fortune fait à la fois sa force et sa faiblesse
Décrire Mike Bloomberg en chiffres peut vite donner le tournis. Huitième fortune mondiale selon Forbes, avec 62 milliards de dollars, le New-Yorkais a déjà consacré 365 millions en messages publicitaires pour déloger Donald Trump de la Maison-Blanche. Selon le Washington Post, 30000 publicités du candidat par minute défilent sur Google et Facebook. Le voilà intronisé «candidat qui a le plus dépensé de tous les temps» par Advertising Analytics. L’argent fait à la fois sa force et sa faiblesse. Il se hisse à la 3e place dans les sondages nationaux, derrière Bernie Sanders et Joe Biden, alors même qu’il boude les primaires des quatre premiers Etats à voter (Iowa, New Hampshire, Nevada, Caroline du Sud). Mais ses adversaires l’accusent de vouloir «acheter» l’élection. Une étiquette qui lui colle désormais à la peau.
«Des lesbiennes à tête de cheval»
Mike Bloomberg est aujourd’hui un peu le poil à gratter de la campagne, celui qui dérange. Mercredi dernier, pour sa première participation à un débat télévisé démocrate, à Las Vegas, il savait pertinemment sur quels points il allait être attaqué. Comportement sexiste, politique d’arrestations et fouilles arbitraires (stop-and-frisk) quand il était maire de New York, jugée discriminatoire à l’égard des Noirs et des Latinos: Mike Bloomberg, 78 ans, traîne quelques casseroles. Il pouvait donc s’attendre à un déluge d’attaques. Mais il s’est montré hésitant, balbutiant, sans charisme et plutôt maladroit. Mike Bloomberg n’a pas su éviter les uppercuts. Et encore moins les rendre. Elizabeth Warren l’a mis K.-O. d’entrée de jeu avec son féroce: «J’aimerais parler de notre adversaire. Un milliardaire qui traite les femmes de grosses nanas et de lesbiennes à tête de cheval. Et non je ne parle pas de Donald Trump. Je parle de Michael Bloomberg!». Elle l’a également traité de «milliardaire arrogant».
Mike Bloomberg a notamment été épinglé par la sénatrice concernant les accords de confidentialité scellés avec des employées qui l’ont accusé de harcèlement. Il ne compte visiblement pas les libérer de ces accords. En 1997, il avait luimême déclaré, dans son autobiographie Bloomberg by Bloomberg, qu’il avait, à l’époque où il travaillait à Wall Street dans les années 1960 et 1970, avant son mariage, «une petite amie dans chaque ville». Il aurait tenu des propos plus crus par la suite envers ses employées, notamment à l’égard de femmes enceintes. En novembre 2019, il a admis au New York Times, à travers un porte-parole, avoir tenu des remarques irrespectueuses et fausses à l’égard des femmes.
Ex-républicain devenu démocrate, le New-Yorkais a fait une entrée tardive dans la campagne, mais il l’a très vite arrosée de millions de dollars, en puisant dans ses propres fonds. «Mike Bloomberg possède une fortune supérieure à celle des 125 millions d’Américains les moins riches. C’est immoral», a encore énoncé, la semaine dernière, Bernie Sanders. Il est pourtant le fils d’un plombier et barman passé par la case prison, qui a également travaillé dans le milieu de la mafia new-yorkaise. Il aime rappeler qu’il n’est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche.
Mais est-ce l’argent injecté dans des spots publicitaires qui lui ont permis de dépasser Pete Buttigieg et Elizabeth Warren dans la plupart des sondages nationaux? Ou le fait qu’il recourt à des influenceurs pour créer des «mèmes», des images humoristiques censées faire fureur, sur les réseaux sociaux? Sa mauvaise prestation mercredi pourrait lui faire perdre des points. Les prochains sondages seront de bons indicateurs quant à sa cote de popularité. Les résultats de son premier vrai test électoral, lors du Super
Tuesday du 3 mars (14 Etats qui votent), encore davantage.
Sanders, une «erreur fatale»
Mike Bloomberg, plutôt conservateur sur les questions financières et fiscales mais très ouvert sur les sujets de société, est aussi la cible régulière de Donald Trump. Il se fait traiter de «mini-Mike», en raison de sa taille (1m70). Mais l’exmaire de New York ne lâche pas. Le centriste attaque à son tour férocement le président, en n’hésitant pas à s’en prendre également à son physique. C’est notamment à coups d’immenses panneaux publicitaires qu’il se moque de lui, avec des messages simples. Comme: «Le mur de Trump est tombé» ou «Donald Trump triche au golf». Il affirme par ailleurs que choisir le «socialiste» Bernie Sanders serait une «erreur fatale», et le meilleur moyen de faire réélire le président. En 2016, il avait renoncé à se lancer dans la présidentielle comme indépendant, «pour ne pas diviser l’électorat démocrate». Mais il le
Mike Bloomberg a notamment été épinglé sur les accords de confidentialité scellés avec des employées qui l’ont accusé de harcèlement
fait cette fois, encouragé par Jeff Bezos, patron d’Amazon et première fortune mondiale, jugeant impératif que Donald Trump soit éjecté de la Maison-Blanche. Après avoir d’abord dit non.
A la tête de l’entreprise de services et d’informations financières qui porte son nom, Bloomberg L.P., il a laissé entendre qu’il pourrait la vendre s’il était élu. Mike Bloomberg a développé ses activités de philanthropie après avoir quitté la mairie de New York en 2013. Il s’engage notamment beaucoup en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique – il est ambassadeur spécial de l’ONU depuis 2014 –, les violences dues aux armes à feu et le tabagisme. Mais c’est bien contre Donald Trump qu’il mène en ce moment une de ses plus importantes batailles. Son âge? Oui, à 78 ans, Mike Bloomberg est bien le plus âgé des candidats, après Bernie Sanders. Un argument qui, pour lui, ne compte pas. Son père est mort à 57 ans, sa mère à 102 et lui espère vivre jusqu’à 125 ans, a-t-il raconté à Business Insider en 2017.
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