«Il faut comprendre que l’information a un coût»
Le conseiller administratif socialiste Sami Kanaan, candidat à sa propre réélection, lance une série de mesures pour aider la presse quotidienne payante. Coût total: 80 000 francs
Quel rôle peuvent jouer les collectivités publiques dans la crise qui frappe les médias? A Genève, le conseiller administratif Sami Kanaan, candidat à sa propre réélection, lance une série de mesures ciblées pour soutenir les quotidiens payants. Partenaire du projet, Le Temps en bénéficiera, de même que la Tribune de Genève, Courrier et Heidi.news. Tout en affirmant que seule une démarche romande permettra une aide structurelle cohérente, Sami Kanaan entend montrer la voie et agir à l’échelle de la ville. Pour lancer le projet, un débat public sur la place des jeunes dans les médias aura lieu ce jeudi 27 février, en présence des rédacteurs en chef des titres partenaires.
Recul des recettes publicitaires, concurrence d’internet: la crise des médias ne date pas d’hier. Pourquoi se mobiliser aujourd’hui? Notre réflexion ne date pas d’hier non plus. Le besoin d’une pluralité de titres se révèle plus que jamais crucial, surtout dans une démocratie semi-directe comme la nôtre. Face à la crise qui frappe la presse, une concertation romande est en cours. Dans les cantons de Genève et de Vaud, chacun avance de son côté, tout en maintenant des contacts réguliers, notamment dans le cadre de la Conférence des gouvernements de Suisse occidentale. Une réunion doit être fixée prochainement. Le modèle recherché pourrait s’approcher de la Fondation romande pour le cinéma. En attendant, la ville a décidé d’agir à son échelle, avec ses moyens, sous forme de projet pilote.
Dans quel cadre va s’inscrire cette aide? Nous avons à coeur de soutenir les titres sans les influencer, en appuyant leur rôle citoyen et pédagogique. Le but n’est pas non plus de se substituer aux éditeurs privés. Afin de clarifier ces aspects, le Conseil administratif a adopté une charte sur les médias qui résume notre engagement. Nous souhaitons pour l’heure apporter une aide indirecte sans exclure complètement une aide directe, grand tabou de la part des éditeurs, mais aussi de la droite libérale. Les mesures édictées s’élèvent, pour l’heure, à 80000 francs.
En quoi consistent-elles? Dès le 1er juin, les journaux ne paieront plus pour occuper les quelque 833 caissettes présentes sur le territoire de la ville de Genève. Cela représente 40000 francs de recettes en moins par année pour la municipalité. Nous allons également lancer des bourses de 5000 francs pour soutenir des projets qui enrichissent le débat public et citoyen. Il peut s’agir d’une manifestation ou encore d’une conférence. Au total, 40000 francs seront disponibles. Si le projet pilote est concluant, la mesure sera pérennisée dès 2021. Parallèlement, nous avons effectué un inventaire des espaces publicitaires et partenariats achetés par la ville aux médias genevois: de 600000 à 800000 francs par année. Nous réfléchissons actuellement à repenser les montants investis dans les annonces Jobup et/ou à inclure d’autres titres.
Quid des jeunes, qui constituent un public clé? Ils sont au coeur de notre démarche. Alors que les jeunes s’informent majoritairement sur internet, que ce soit via les réseaux sociaux ou YouTube, le principal défi consiste à leur faire comprendre que l’information structurée, étayée, vérifiée a un coût. C’est le but d’une brochure distribuée lors des dernières promotions citoyennes aux quelque 700 jeunes ayant atteint leur majorité. Elle contient des offres d’abonnement à prix préférentiel, émises par nos partenaires. A moyen terme, nous réfléchissons à financer des abonnements jeunesse, comme l’a fait le canton de Vaud.
«Nous avons à coeur de soutenir les titres sans les influencer»
Sélectionner quatre partenaires signifie aussi en exclure d’autres, comment justifiez-vous ces choix? Nous assumons notre volonté de soutenir des titres de presse écrite, quotidienne et payante. Pour les radios-TV locales, la solution passe aussi par la redevance. Je m’engage à suivre attentivement le débat à Berne, notamment en tant que vice-président de l’Union des villes suisses.
Aider de grands groupes de presse dont les décisions vous échappent peut se révéler délicat pour une collectivité publique… Nous sommes conscients des risques et notre but n’est pas de financer les dividendes d’un groupe international. L’aide publique nécessite une transparence, des règles strictes sur l’ensemble des paramètres, y compris le business model. Si on investit, il faut s’assurer que l’éditeur n’en profite pas pour supprimer l’équivalent.
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