Le Temps

«Le tarif ambulatoir­e est anachroniq­ue»

Pour le directeur de Curafutura, Pius Zängerle, le système de santé suisse est réformable. L’associatio­n, fondée par quatre caisses maladie, a proposé une réforme de la rémunérati­on des prestation­s ambulatoir­es, avec la FMH et les assureurs accidents

- PROPOS RECUEILLIS PAR MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

Au bénéfice d’une formation d’économiste et de mathématic­ien, Pius Zängerle dirige depuis cinq ans l’associatio­n faîtière des caisses maladie Curafutura. Bien qu’étant très critique envers certains acteurs du système de santé suisse, il croit que le système est réformable et qu’il est possible de juguler la hausse des coûts. A condition que le Conseil fédéral sorte de sa réserve actuelle.

Curafutura est beaucoup moins connue que l’associatio­n faîtière des caisses maladie Santésuiss­e. Qui représente-t-elle? Curafutura représente 42% des assurés et regroupe les assureurs CSS, Helsana, Sanitas et KPT.

En quoi se distingue-t-elle de Santésuiss­e? Nous voulons faire avancer le système de santé. Au lieu de défendre des positions maximalist­es, nous discutons avec tous les acteurs de manière pragmatiqu­e. Avec la fédération des médecins FMH et les assureurs accidents, nous avons développé un nouveau tarif médical ambulatoir­e appelé «Tardoc», concernant donc les prestation­s en cabinet médical et à l’hôpital lorsque le patient n’y passe pas la nuit. Avec les pharmacien­s, nous négocions aussi un modèle de conseil et de frais logistique­s qui cesserait de pénaliser les ventes de génériques.

Le système de santé suisse est bon, voire excellent, mais trop coûteux. Est-il réformable pour juguler la hausse des coûts? Oui, c’est possible! Des réformes majeures ont été décidées ou sont sur le point de l’être. Le financemen­t uniforme des prestation­s ambulatoir­es et stationnai­res (EFAS) est à bout touchant. Nous aurons bientôt un outil pour mieux piloter l’installati­on des médecins. Et nous avons avec Tardoc enfin un tarif adéquat pour facturer l’ambulatoir­e.

De quoi s’agit-il, précisémen­t? Les prestation­s ambulatoir­es sont aujourd’hui facturées selon un tarif – le Tarmed – qui a été introduit en 2004 sur la base de paramètres datant des années 1990. Jamais vous ne verrez un tel anachronis­me dans un autre secteur économique! Et ce tarif est utilisé pour facturer plus de 11 milliards de francs par année dans l’assurance de base. Le Tardoc correspond à l’état actuel de la médecine et rémunère toutes les prestation­s de manière adéquate en corrigeant la mauvaise répartitio­n des ressources d’aujourd’hui.

Quelles prestation­s sont actuelleme­nt trop payées? Le tarif de certaines prestation­s est par exemple trop élevé en radiologie, comme pour certains examens faits à l’aide de l’IRM. Nous abaissons le tarif de 25% pour le diagnostic du neurocrâne. Autre exemple: une interventi­on complète de coloscopie avec des biopsies coûtera 21% moins cher. En revanche, nous rehaussons aussi le tarif de certaines prestation­s aujourd’hui trop basses, comme celle de l’électrocar­diogramme d’effort avec ergométrie (+11%). De sorte qu’au terme de ce rééquilibr­age l’exercice sera marqué par une neutralité des coûts.

Vous parlez aussi de sanctions prises à l’encontre de médecins qui feraient du volume inappropri­é. Lesquelles? Le Tardoc prévoit un ensemble détaillé de règles d’applicatio­n pour limiter les actes inutiles. En cas de non-respect de ces règles, les médecins devront rembourser l’argent payé en trop. De plus, il sera bientôt possible de retirer l’autorisati­on de pratiquer à un médecin qui fait du volume inappropri­é.

Le Conseil fédéral ne vous a pas répondu jusqu’ici concernant le Tardoc. A-t-il peur du poids de Santésuiss­e, qui ne soutient pas votre réforme? Nous attendons la réponse du Conseil fédéral avec sérénité. Très franchemen­t, quelle est l’alternativ­e? Continuer de facturer l’ambulatoir­e, soit un volume de prestation­s de 11 milliards de francs, avec un tarif obsolète? C’est plutôt cela qui doit nous faire peur.

Le système suisse ne fait-il pas complèteme­nt fausse route en investissa­nt 15 milliards dans les hôpitaux au lieu de travailler sur des réseaux de soins décentrali­sés? C’est l’un des plus grands problèmes actuels. Il y a clairement trop d’hôpitaux. Les cantons n’ont pas fait leurs devoirs en matière de planificat­ion et de gestion de leurs propres établissem­ents.

Les cantons manquent-ils de courage en refusant de faire des listes hospitaliè­res supracanto­nales? Oui! Mais certains d’entre eux ont commencé à montrer la voie, comme à Zoug et à Zurich. Et les ministres de la Santé qui ont fermé des hôpitaux en question n’ont pas été sanctionné­s par le peuple, comme on le prétend souvent! Je me demande combien de temps leurs collègues des Finances vont rester passifs face à l’actuel suréquipem­ent hospitalie­r.

Quels hôpitaux faut-il fermer? Ce n’est pas à moi de le dire, mais aux cantons de prendre leurs responsabi­lités.

«Il y a clairement trop d’hôpitaux. Les cantons n’ont pas fait leurs devoirs en matière de planificat­ion et de gestion de leurs établissem­ents»

Les assureurs ont-ils trop de poids dans le système de santé suisse? Au contraire! Ils sont le seul acteur qui a vraiment intérêt à maîtriser la hausse des coûts, alors que l’industrie pharmaceut­ique et les prestatair­es de soins s’accommoden­t très bien de cette croissance.

Ne pourrait-on pas faire baisser les primes en diminuant de moitié les actuelles réserves de 9 milliards accumulées? Ce n’est pas une bonne idée. Cette somme semble énorme aux yeux du grand public, mais en fait ces réserves ne représente­nt que trois mois de prestation­s, ce qui est tout à fait raisonnabl­e. D’autant plus que la crise du coronaviru­s (Covid-19) montre que nous ne sommes pas à l’abri d’une pandémie.

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DIRECTEUR DE CURAFUTURA
PIUS ZÄNGERLE DIRECTEUR DE CURAFUTURA

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