«Le tarif ambulatoire est anachronique»
Pour le directeur de Curafutura, Pius Zängerle, le système de santé suisse est réformable. L’association, fondée par quatre caisses maladie, a proposé une réforme de la rémunération des prestations ambulatoires, avec la FMH et les assureurs accidents
Au bénéfice d’une formation d’économiste et de mathématicien, Pius Zängerle dirige depuis cinq ans l’association faîtière des caisses maladie Curafutura. Bien qu’étant très critique envers certains acteurs du système de santé suisse, il croit que le système est réformable et qu’il est possible de juguler la hausse des coûts. A condition que le Conseil fédéral sorte de sa réserve actuelle.
Curafutura est beaucoup moins connue que l’association faîtière des caisses maladie Santésuisse. Qui représente-t-elle? Curafutura représente 42% des assurés et regroupe les assureurs CSS, Helsana, Sanitas et KPT.
En quoi se distingue-t-elle de Santésuisse? Nous voulons faire avancer le système de santé. Au lieu de défendre des positions maximalistes, nous discutons avec tous les acteurs de manière pragmatique. Avec la fédération des médecins FMH et les assureurs accidents, nous avons développé un nouveau tarif médical ambulatoire appelé «Tardoc», concernant donc les prestations en cabinet médical et à l’hôpital lorsque le patient n’y passe pas la nuit. Avec les pharmaciens, nous négocions aussi un modèle de conseil et de frais logistiques qui cesserait de pénaliser les ventes de génériques.
Le système de santé suisse est bon, voire excellent, mais trop coûteux. Est-il réformable pour juguler la hausse des coûts? Oui, c’est possible! Des réformes majeures ont été décidées ou sont sur le point de l’être. Le financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS) est à bout touchant. Nous aurons bientôt un outil pour mieux piloter l’installation des médecins. Et nous avons avec Tardoc enfin un tarif adéquat pour facturer l’ambulatoire.
De quoi s’agit-il, précisément? Les prestations ambulatoires sont aujourd’hui facturées selon un tarif – le Tarmed – qui a été introduit en 2004 sur la base de paramètres datant des années 1990. Jamais vous ne verrez un tel anachronisme dans un autre secteur économique! Et ce tarif est utilisé pour facturer plus de 11 milliards de francs par année dans l’assurance de base. Le Tardoc correspond à l’état actuel de la médecine et rémunère toutes les prestations de manière adéquate en corrigeant la mauvaise répartition des ressources d’aujourd’hui.
Quelles prestations sont actuellement trop payées? Le tarif de certaines prestations est par exemple trop élevé en radiologie, comme pour certains examens faits à l’aide de l’IRM. Nous abaissons le tarif de 25% pour le diagnostic du neurocrâne. Autre exemple: une intervention complète de coloscopie avec des biopsies coûtera 21% moins cher. En revanche, nous rehaussons aussi le tarif de certaines prestations aujourd’hui trop basses, comme celle de l’électrocardiogramme d’effort avec ergométrie (+11%). De sorte qu’au terme de ce rééquilibrage l’exercice sera marqué par une neutralité des coûts.
Vous parlez aussi de sanctions prises à l’encontre de médecins qui feraient du volume inapproprié. Lesquelles? Le Tardoc prévoit un ensemble détaillé de règles d’application pour limiter les actes inutiles. En cas de non-respect de ces règles, les médecins devront rembourser l’argent payé en trop. De plus, il sera bientôt possible de retirer l’autorisation de pratiquer à un médecin qui fait du volume inapproprié.
Le Conseil fédéral ne vous a pas répondu jusqu’ici concernant le Tardoc. A-t-il peur du poids de Santésuisse, qui ne soutient pas votre réforme? Nous attendons la réponse du Conseil fédéral avec sérénité. Très franchement, quelle est l’alternative? Continuer de facturer l’ambulatoire, soit un volume de prestations de 11 milliards de francs, avec un tarif obsolète? C’est plutôt cela qui doit nous faire peur.
Le système suisse ne fait-il pas complètement fausse route en investissant 15 milliards dans les hôpitaux au lieu de travailler sur des réseaux de soins décentralisés? C’est l’un des plus grands problèmes actuels. Il y a clairement trop d’hôpitaux. Les cantons n’ont pas fait leurs devoirs en matière de planification et de gestion de leurs propres établissements.
Les cantons manquent-ils de courage en refusant de faire des listes hospitalières supracantonales? Oui! Mais certains d’entre eux ont commencé à montrer la voie, comme à Zoug et à Zurich. Et les ministres de la Santé qui ont fermé des hôpitaux en question n’ont pas été sanctionnés par le peuple, comme on le prétend souvent! Je me demande combien de temps leurs collègues des Finances vont rester passifs face à l’actuel suréquipement hospitalier.
Quels hôpitaux faut-il fermer? Ce n’est pas à moi de le dire, mais aux cantons de prendre leurs responsabilités.
«Il y a clairement trop d’hôpitaux. Les cantons n’ont pas fait leurs devoirs en matière de planification et de gestion de leurs établissements»
Les assureurs ont-ils trop de poids dans le système de santé suisse? Au contraire! Ils sont le seul acteur qui a vraiment intérêt à maîtriser la hausse des coûts, alors que l’industrie pharmaceutique et les prestataires de soins s’accommodent très bien de cette croissance.
Ne pourrait-on pas faire baisser les primes en diminuant de moitié les actuelles réserves de 9 milliards accumulées? Ce n’est pas une bonne idée. Cette somme semble énorme aux yeux du grand public, mais en fait ces réserves ne représentent que trois mois de prestations, ce qui est tout à fait raisonnable. D’autant plus que la crise du coronavirus (Covid-19) montre que nous ne sommes pas à l’abri d’une pandémie.
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