Les marchés cèdent à la panique
Les bourses mondiales ont fortement dévissé lundi en raison de la propagation de l’épidémie hors de Chine, notamment au Japon, en Corée du Sud, en Iran et en Italie. Mais il y a aussi des gagnants, comme l’or, valeur refuge par excellence
C'est le grand plongeon. Les touristes chinois se font rares, n'achètent plus de montres et autres produits de luxe. En Chine, les usines tournent à pas plus de 50% de leur capacité et les matières premières s'entassent. Pour ne rien arranger, le coronavirus se propage à l'internationale et frappe le Japon, la Corée du Sud, l'Iran et l'Italie. La directrice du Fonds monétaire international Kristalina Georgieva a prévenu dimanche que le virus, désormais une urgence sanitaire mondiale, pourrait mettre en péril la reprise de l'économie mondiale.
Il n'en fallait pas plus pour céder à la panique. C'est précisément ce qu'ont fait les bourses mondiales lundi. Alors que les places financières asiatiques ont terminé la séance de lundi en ordre dispersé, en Europe elles se sont affolées face à l'épidémie.
L’Italie, partenaire crucial
La bourse suisse a été affectée par sa proximité avec le nord de l'Italie où le coronavirus a fait six morts et infecté 160 personnes. L'économie suisse craint un frein aux échanges: l'Italie est son deuxième plus gros fournisseur, derrière l'Allemagne, et son troisième plus grand débouché en Europe, derrière l'Allemagne et la France. A ce stade, les liaisons routières et ferroviaires ne sont pas fermées. C'est justement l'Italie qui a pris la plus grande raclée lundi, la Bourse de Milan cédant 5,43%. En Europe, l'indice Euro Stoxx a cédé 4,01%. Les Etats-Unis ont également ouvert dans le rouge.
Aucun secteur n'a été épargné par l'embardée de lundi. Le transport aérien a payé un lourd tribut (Lufthansa -8,81%, EasyJet -10%). Il n'y a pas de répit non plus pour l'automobile dont la production est perturbée par le manque de composants fabriqués en Chine. Daimler a cédé 6,94%, Volkswagen 5,43% et BMW 4,76%. Les trois marques allemandes sont concernées faute de pouvoir écouler leur production, notamment sur le marché chinois.
Face à la panique des marchés, Sophie Chardon, stratège à la banque Lombard Odier à Genève, garde son calme. Elle rappelle qu'après la forte baisse de janvier les marchés avaient rebondi dans le sillage de bons résultats 2019 des entreprises et de l'accord Etats-Unis-Chine qui mettait fin à la guerre commerciale. «La nouvelle donne est que certaines entreprises ont des difficultés d'approvisionnement, ce qui pourrait péjorer les résultats pour le premier trimestre 2020, relève-t-elle. Mais notre scénario à moyen terme reste constructif. Nous sommes en face d'une épidémie saisonnière qui aura des répercussions fortes mais transitoires.» Selon elle, la réponse de Pékin en termes d'aides fiscales est à la hauteur de la crise: «A moyen terme, la reprise mondiale compensera les pertes de ce début d'année.»
«Beaucoup plus agressif»
Quand il y a des perdants, il y a aussi des gagnants: le dollar, le franc suisse et l'or, qui sont des valeurs refuges par excellence en cas d'incertitudes. Le prix du métal jaune s'approche de son cours record. En octobre 2012, il était monté à 1800 dollars l'once. Lundi, il valait 1673 dollars, grimpant de près de 80 dollars durant la semaine écoulée.
«Le coronavirus s'est avéré beaucoup plus agressif que toutes les anticipations, analyse Nitesh Shah, directeur de la recherche de WisdomTree, un fonds d'investissement basé à Londres. En début d'année, nous avions anticipé le cours de l'or à 1640 dollars l'once pour fin 2020, poursuit Nitesh Shah. C'était compter sans le coronavirus. A présent, nous estimons qu'il pourrait atteindre son plus haut historique, à 2000 dollars.»
Selon lui, outre l'épidémie, d'autres facteurs à risques le pousseront dans cette direction. Notamment une croissance terne en raison de la rupture de la chaîne de valeurs, la poursuite d'une politique d'assouplissement monétaire pour répondre à l'impact de l'épidémie et enfin la perspective de l'élection du candidat Bernie Sanders, qui se situe à l'aile gauche du Parti démocrate, à la présidence américaine en novembre 2020.
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