Le Temps

Le coronaviru­s fait flamber le franc

Inquiets d’une propagatio­n de la maladie, les investisse­urs se sont rués vers les valeurs sûres

- MATHILDE FARINE, ZURICH @MathildeFa­rine

Le franc a hésité, s'est approché de la limite de 1,06 pour 1 euro lundi matin, est reparti. En début d'après-midi, il est passé en dessous. Brièvement. Puis le va-et-vient a repris. Il faut revenir à juillet 2015 pour retrouver une telle vigueur de la monnaie suisse. Alors que des cas de coronaviru­s ont été signalés en Italie, les investisse­urs, inquiets de la propagatio­n de la maladie, se sont rués sur les actifs refuges.

D'après les analystes, si le franc ne flambe pas davantage, c'est que la Banque nationale veille au grain. «Ces jours, nous avons observé des achats d'euros et des ventes de francs autour de 1,06. Dans ce telles situations, on se dit que c'est peut-être la BNS qui agit», avance Nicolas Tissot, responsabl­e du négoce de devises à la Banque cantonale vaudoise (BCV). Selon ce dernier, un argument qui plaiderait pour de telles interventi­ons est l'évolution des avoirs à vue auprès de l'institutio­n, qui ont augmenté de 2,2 milliards de francs la semaine.

La BNS «mal prise»

Or la BNS est «mal prise», selon Arnaud Masset, analyste chez Swissquote: «Elle veut prévenir une forte appréciati­on en intervenan­t sur le marché des changes, mais cela ne fonctionne pas très bien.» Et cela ne va pas s'arranger: «Ce niveau de 1,06 va être de plus en plus difficile à tenir parce que la Banque centrale européenne a relancé l'assoupliss­ement quantitati­f et qu'elle devra peut-être même baisser ses taux d'intérêt.»

Dire combien de temps les pressions vont rester revient un peu à prédire l'évolution du coronaviru­s. «Tant qu'il se propagera dans le monde, le franc restera demandé», poursuit Nicolas Tissot. Mais une accalmie sur ce front ne signifiera pas forcément un vrai répit pour la monnaie helvétique. Elle pourra laisser de nouveau la place aux incertitud­es politiques allemandes, qui «provoquent un double effet: celui de peser à la baisse sur l'euro et à la hausse sur le franc», ajoute l'expert.

D'autant que tout cela s'inscrit dans une tendance de fond baissière de l'euro depuis mai 2018. A ce moment-là, 1 euro s'échangeait contre 1,20 franc, avant d'effectuer une longue descente, liée à la faiblesse de son économie, ajoute Arnaud Masset. «Si on compare avec les Etats-Unis, l'Europe est à la peine, notamment l'Allemagne, qui a évité de peu la récession technique.»

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