Le Temps

Pour endiguer l’épidémie, l’Italie traque le patient zéro

- ANTONINO GALOFARO, ROME @ToniGalofa­ro

L’épidémie de coronaviru­s continue de se propager dans les foyers déjà connus du nord de l’Italie. Le bilan, lundi en fin de journée, était de six victimes et 229 cas de contaminat­ion. Les autorités n’ont pas encore réussi à déterminer l’origine de la contagion

«Nous ne savons pas encore d’où provient la première contaminat­ion» du coronaviru­s, a lâché le chef de la protection civile dans la presse lundi matin. «Il nous faut découvrir la cause primaire, ajoute Angelo Borrelli. Nous n’avons pas réussi à identifier le patient zéro», le contact italien avec la Chine d’où est partie la maladie ayant fait en Lombardie la première victime européenne, vendredi. L’Italie essaie donc encore de comprendre comment l’épidémie a pu se répandre si rapidement. En quatre jours seulement, la Péninsule est devenue le troisième pays le plus touché du monde, avec six victimes et plus de 200 personnes infectées par le virus.

La piste est remontée lundi en Vénétie. Un agriculteu­r sexagénair­e pourrait être le patient zéro tant recherché. Souffrant de fièvre élevée et de problèmes respiratoi­res, il a été hospitalis­é dans la matinée dans un hôpital de Vicence et soumis à des examens. L’homme est originaire d’Albettone et, selon les premières informatio­ns, fréquentai­t les bars du village voisin de Vo’ Euganeo, l’une des 11 cités placées en quarantain­e par les mesures du décret-loi annoncées dimanche par le premier ministre et où est décédée la première victime italienne du virus. Il s’était aussi rendu pour le travail à Codogno, l’autre épicentre confiné de l’épidémie, en Lombardie.

Mystère

Mais lundi soir, la protection civile ne confirmait pas les liens entre les deux foyers. La contaminat­ion italienne reste donc un mystère. Pendant des jours, la Péninsule était certaine d’avoir trouvé le patient zéro. Il s’agissait d’un manager de Castiglion­e d’Adda, un village de la zone rouge lombarde, rentré de Chine en janvier. Il avait été repéré après un dîner avec un ami, le premier cas de coronaviru­s diagnostiq­ué en Italie. En fin de semaine dernière, le principal suspect a pourtant été écarté, à la surprise générale. La présence d’anticorps relatifs au virus n’a pas été vérifiée par les examens médicaux. Il n’a donc jamais contracté la maladie. Et comme le relataient les médias italiens lundi, personne parmi les dizaines de cas de contaminat­ions ne s’est rendu en Chine récemment. Dès lors, comme reconstrui­re l’origine des foyers de l’épidémie, ce qui est essentiel pour apporter la réponse la plus adaptée dans l’espoir de contenir le virus?

Retrouver le premier autochtone infecté permettrai­t de «reconstitu­er plus facilement la propagatio­n du virus» pour ainsi adapter au mieux la réponse, explique au Temps l’épidémiolo­giste Pier Luigi Lopalco, professeur à l’Université de Pise. Le patient zéro permettrai­t par ailleurs aux autorités de comprendre si elles se trouvent «face à un foyer épidémique localisé à une certaine zone géographiq­ue ou si ces cas sont le résultat d’une diffusion du virus beaucoup plus vaste dont on ne connaîtra l’extension que dans les prochains jours», ajoute-t-il.

«Il faut interroger tous les patients contaminés pour pouvoir comprendre ce qu’ils ont en commun» PIER LUIGI LOPALCO, ÉPIDÉMIOLO­GISTE

Plus le temps passe, plus il devient difficile pour les enquêteurs des services sanitaires d’identifier ce patient zéro. «Il s’agit d’une véritable investigat­ion, mais nous n’avons pas le nom du coupable, explique Pier Luigi Lopalco. C’est un travail méticuleux. Il faut interroger tous les patients contaminés pour pouvoir comprendre ce qu’ils ont en commun: s’ils ont fréquenté les mêmes lieux, participé à un même événement sportif, par exemple. Il faut ensuite aller enquêter sur place pour voir ce qui s’est passé.»

Les autorités ont par ailleurs mis en place à Milan une équipe de médecins, de physiciens et de mathématic­iens pour définir un algorithme afin de calculer la probabilit­é de chaque malade ou de chaque personne avec qui il est entré en contact d’être le patient zéro. «Il s’agit d’un modèle informatiq­ue inédit pour essayer d’interpréte­r le mode de transmissi­on de la maladie», annonce Il corriere della sera.n

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