Le Temps

Une nouvelle ère, post-Weinstein

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D @vdegraffen­ried

Un célèbre producteur d’Hollywood, habitué des tapis rouges, qui quitte une salle de tribunal, sonné et menotté: l’image est forte. Accusé par plus de 90 femmes d’agressions sexuelles et de viols, Harvey Weinstein n’a pas été reconnu coupable d’être un «prédateur sexuel», mais relativise­r le jugement serait une erreur.

Même s’il est innocenté pour trois chefs d’accusation sur cinq, il est condamné pour agression sexuelle et pour viol. Pour le mouvement #MeToo, pour toutes les victimes, cette condamnati­on représente une première victoire. La démonstrat­ion que des femmes peuvent être entendues face à de puissants agresseurs. Même quand les preuves factuelles manquent. Même quand des témoignage­s se révèlent un peu confus et incohérent­s.

La preuve aussi que briser le silence, braver les peurs et résister aux pressions peuvent finir par payer.

Des barrières s’ouvrent enfin. Ce verdict va libérer la parole des femmes. Il marque la fin d’une certaine impunité dont se prévalent des «stars» déboursant des milliers de dollars en accords financiers pour faire taire leurs victimes. Il était temps.

Celles qui ont osé témoigner lors du procès ont carrément «changé le cours de l’histoire», estime le procureur de Manhattan, Cyrus Vance. «Un viol reste un viol, qu’il soit commis par un inconnu dans une ruelle sombre ou par un partenaire dans une relation intime», dit-il.

Ce rappel, loin d’être une évidence pour tous, est indispensa­ble. A New York, lors de ce procès ultra-médiatisé, où les détails les plus crus ont été étalés publiqueme­nt, rien n’était gagné. La défense s’est montrée féroce. A tel point que les observateu­rs étaient nombreux à penser qu’Harvey Weinstein avait des chances d’être acquitté. Les avocats ont insisté sur le fait que des femmes ont continué à avoir des relations sexuelles avec l’accusé même après les agressions dénoncées.

Mais les jurés ont perçu leur détresse, et les ont jugées crédibles. Jusqu’ici, les victimes d’agressions sexuelles parvenaien­t rarement jusqu’à la salle du tribunal. Déjà simplement parce que beaucoup n’osent pas porter plainte. C’est en train de changer. #MeToo est encore raillé par certains, qui n’y voient qu’un mouvement de féministes hystérique­s. Mais il est bien parvenu à modifier la façon dont les victimes d’agressions sexuelles ou de harcèlemen­t sont perçues. Voilà ce que vient de démontrer le procès Weinstein.

La fin d’une impunité dont se prévalent des «stars» déboursant des milliers de dollars pour faire taire leurs victimes

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