Le Temps

Une femme qui rit est une femme qu’on embauche

- MARIE-PIERRE GENECAND

L’informatio­n n’est pas récente, mais elle est restée gravée dans ma mémoire. Et pour cause. Publié en mai dernier, un communiqué de l’Université de Neuchâtel informait que, durant les entretiens d’embauche, les femmes riaient plus souvent que les hommes et que ce rire leur ouvrait les portes de l’entreprise. C’est Julie Brosy, une chercheuse de l’Institut de psychologi­e du travail et des organisati­ons (IPTO) rattaché à cette académie, qui a établi ce constat dans le cadre de sa thèse consacrée à l’impact que peuvent avoir «les influences, l’accroche narrative et le rire sur les résultats d’une entrevue».

Pour cela, elle a observé 80 entretiens et détaillé les interactio­ns entre l’équipe du recrutemen­t et les candidats. Déjà, écritelle, les rires proviennen­t plus des postulants que de leurs vis-à-vis, ce qui semble logique, sachant de quel côté se situent la tension, la volonté de bien faire et la nécessité de séduction.

Ensuite, ce sont plus souvent des femmes qui ont ce réflexe sonore que leurs homologues masculins. Pourquoi? Parce que, estime Julie Brosy, le rire est un facilitate­ur relationne­l qui incite au partage. Or, «comme les femmes sont en général plus sensibles à la régulation de l’interactio­n, elles produisent plus de rires et sont aussi plus enclines à les partager que les hommes».

Et elles ont raison. Car, poursuit la spécialist­e, le rire permet à l’entretien d’avancer, de passer d’une phase à une autre de manière agréable. Surtout, il joue un rôle sur le résultat de l’entrevue. «Plus il y a de rires partagés, plus l’évaluation du candidat est positive», dit la chercheuse.

J’adore. Pourquoi? Parce que je suis une rieuse et que, traditionn­ellement, en Suisse, seul le sérieux est pris au… sérieux. A priori, on se méfie du rieur, plus associé à «la déconne» qu’au travail. Et ce qui me semblait déjà vrai pour le rieur me paraissait encore plus vrai pour la rieuse. Souvent, dans le secteur du tertiaire, on entend dire qu’une femme doit être deux fois plus dure qu’un homme pour être respectée…

En prouvant au contraire qu’une femme qui rit est une personne qu’on a plus envie d’engager parce qu’elle contribue à l’essor des affaires, Julie Brosy modifie le modèle traditionn­el. Désormais, dans les entreprise­s qui savent y faire, on n’associera plus forcément légèreté d’humeur avec légèreté d’implicatio­n profession­nelle.

A priori, on se méfie du rieur, plus associé à «la déconne» qu’au travail

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