Le Temps

«J’aimerais qu’on puisse signer sur son smartphone»

- RECUEILLIS PAR B. B. PROPOS

Aux manettes de Wecollect, redoutable plateforme de collecte de signatures pour référendum­s et initiative­s, Daniel Graf souhaite faciliter au maximum la participat­ion populaire. Interview d’un perturbate­ur de l’ordre établi déterminé à «démocratis­er la démocratie»

Comment vous est venue l’idée de créer Wecollect? J’ai fait campagne au sein des Verts de la ville de Zurich, dont j’ai été le secrétaire général, mais aussi pour Amnesty Internatio­nal et comme indépendan­t. L’un des outils principaux est toujours le même: des pétitions. J’ai réalisé que les citoyens ne disposaien­t que d’un temps limité pour s’engager et qu’ils voulaient des résultats. Or, le système helvétique nous offre cette possibilit­é grâce aux référendum­s et initiative­s. Il ne manquait plus qu’un portail pour faciliter cet engagement.

Comment fonctionne-t-il? Notre plateforme permet de s’assurer du soutien nécessaire au lancement d’une campagne avant de soumettre le texte à la Chanceller­ie. Au-dessus d’un certain palier, nous lançons le processus. Les projets soutenus par Wecollect sont ensuite affichés en ligne et, pour soutenir l’un d’entre eux, il suffit de commander un formulaire, l’imprimer, le faire signer et le poster. Le timbre est déjà dessus.

Quelle différence cela fait-il avec une autre récolte en ligne? Alors que personne n’imprime jamais les formulaire­s de pétitions, cela fonctionne très bien dans le cadre de Wecollect. Les citoyens prennent la chose au sérieux quand il s’agit des outils démocratiq­ues suisses. Nous récoltons aussi facilement de l’argent en ligne là où il est étrange d’en demander dans la rue. Cela permet de lever des fonds «on the go» sans caisse initiale. Un référendum coûte environ 250000 francs, une initiative un demi-million.

Comment les formations politiques traditionn­elles vous perçoivent-elles? Le terme anglais frenemy (conjonctio­n de friend et d’enemy) décrit assez bien notre relation. Nous travaillon­s régulièrem­ent ensemble, mais nous sommes un peu contrarian­ts pour les partis car nous donnons l’occasion aux citoyens de mettre la pression sur leur activité et de faire aller leur idée de l’avant sans eux et très rapidement.

En somme, votre plateforme ressemble de plus en plus à un parti? Les membres de notre carnet d’adresses ne doivent jamais obligatoir­ement participer. Nous sommes un kiosque démocratiq­ue. Avec 70000 personnes dans notre base de données, nous aurions toutefois la capacité de lancer une initiative. Nous avons déjà lancé un référendum (contre la surveillan­ce des assurés) en faisant campagne avant tout en ligne et, grâce à Wecollect, il a abouti en soixante-deux jours. C’est là que j’ai décidé de changer l’organisati­on du site pour éviter que tout le pouvoir ne me revienne. Une fondation sera bientôt créée pour prendre les décisions qui m’incombaien­t jusque-là.

Votre site est-il de gauche? Oui et non. Si vous prenez le référendum sur l’e-ID (qui a officielle­ment abouti le 12 février 2020), il a été soutenu à gauche comme à droite par ceux qui pensent que l’Etat ne devrait pas déléguer le traitement des données des citoyens à des entreprise­s privées. Il est cependant vrai que nous n’accepterio­ns pas de projets populaires allant à l’encontre de nos valeurs. Wecollect cherche avant tout à démocratis­er la démocratie et à la simplifier. Dans le futur, on peut par exemple imaginer qu’il sera possible de signer une initiative en posant le doigt sur son smartphone. C’est encore interdit car certains politicien­s craignent que la politique ne leur échappe. Mais j’espère que ce sera possible demain. C’est le genre de projets que nous portons.

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