Le Temps

Trump à New Delhi sur fond d’émeutes sanglantes

- VANESSA DOUGNAC, NEW DELHI

Treize personnes ont péri à New Delhi dans des heurts intercommu­nautaires qui coïncident avec la visite de deux jours du président américain, reçu avec faste par le premier ministre Narendra Modi

Durant deux jours, les télévision­s indiennes ont alterné des images du nord-est de la capitale ensanglant­é par des émeutes, avec celles, 15 kilomètres plus au sud, des tapis rouges déroulés au passage du président américain Donald Trump et de son épouse, Melania. Le contraste simultané entre la magnificen­ce de la visite d'Etat et le chaos des quartiers populaires à majorité musulmane, théâtres des violences, ne pouvait être plus saisissant. Avec un bilan provisoire de 13 morts et 150 blessés, New Delhi n'avait pas connu de tels affronteme­nts depuis plus de trois décennies.

Situation alarmante

Les heurts ont initialeme­nt opposé partisans et adversaire­s d'une loi sur la citoyennet­é, perçue comme discrimina­toire envers la minorité musulmane et objet de protestati­ons massives depuis plusieurs mois en Inde. Ces heurts ont ensuite engendré, dans certains quartiers, de violents affronteme­nts entre hindous et musulmans. Mardi soir, au départ du couple présidenti­el, la situation restait alarmante. Cette flambée de violences survient alors que les tensions religieuse­s sont attisées sous le gouverneme­nt nationalis­te hindou du premier ministre Narendra Modi. Dans ce contexte extrêmemen­t tendu, ce dernier a été publiqueme­nt encensé durant deux jours par le dirigeant américain qui, pour sa part, a reçu un accueil grandiose et triomphal.

En dépit des accolades, cette première visite en Inde de Donald Trump s'achève sans avancée concrète. Le président américain a évoqué «d'énormes progrès» pour ce qui concerne l'accord commercial paralysé par le bras de fer des deux nations autour de leurs échanges de biens et services et l'imposition de taxes douanières. «Modi est formidable, mais il est un dur négociateu­r», a lancé Donald Trump. Ce dernier conclut cependant un contrat de vente de 30 hélicoptèr­es militaires pour un montant de 2,4 milliards de dollars. L'Inde campe ainsi dans son rôle d'allié stratégiqu­e et de contrepoid­s à l'influence de la Chine dans la région.

Louanges réciproque­s

Mais le grand succès de la visite s'est joué sur un autre plan: celui de l'image. Dans un flot de louanges réciproque­s, les deux «grands amis» ont affiché leur complicité. Narendra Modi a offert à Donald Trump une cérémonie spectacula­ire à son arrivée à Ahmedabad, la capitale du Gujarat et son fief électoral, dans un gigantesqu­e stade de cricket aux 100000 spectateur­s. Panneaux géants des deux leaders et traditions indiennes dans toute leur splendeur, les festivités ont été à la hauteur. Après un saut à l'ashram du Mahatma Gandhi et au Taj Mahal pour le coucher du soleil, le couple présidenti­el a ensuite été reçu en grande pompe à New Delhi. «Cette visite renforce l'image de Narendra Modi en Inde et celle de Trump aux Etats Unis, qui en tirent tous deux de d'importants bénéfices électoraux», note la commentatr­ice politique Neerja Chowdhury.

Donald Trump s'est gardé d'évoquer la politique intérieure: «Cela relève de l'Inde.» Mais il a assuré que Narendra Modi était très attaché au respect de la liberté religieuse. L'Inde se distingue pourtant par le sort fait au Cachemire, région à majorité musulmane muselée depuis le 5 août, et par la mise en place de mesures discrimina­ntes, avec notamment la loi sur la citoyennet­é. «Le silence de Trump sur cette question est une approbatio­n des actions de Modi», estime Neerja Chowdhury. Et alors que les violences intercommu­nautaires embrasaien­t la capitale, le milliardai­re américain en est resté à faire l'éloge de son hôte: «Il est difficile de penser à un pays doté d'un meilleur futur que l'Inde, en particulie­r sous la gouvernanc­e de Narendra Modi.»

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