Le Temps

La mission InSight dévoile ce qui agite le sous-sol martien

- HUGO RUHER @HugoRuher

Un peu plus d’un an après un atterrissa­ge réussi sur la planète rouge, la mission InSight révèle ses premiers résultats. Les données détaillées dans six études différente­s prouvent que Mars a bien une activité sismique qui présente des points communs avec celle de la Terre

Mars tremble-t-elle? Cette question est au coeur de la mission InSight. En novembre 2018, cet atterrisse­ur s’est posé sur la planète rouge avec un instrument capable de mesurer l’activité sismique de la planète: le sismomètre SEIS. Les premiers résultats sont publiés dans six études parues dans les revues Nature Geoscience et Nature Communicat­ions ce 24 février. Ils sont sans appel: Mars est sismiqueme­nt active.

Bien que la NASA ait déjà communiqué sur les premières découverte­s de séismes dès avril 2019, c’est la première fois que les résultats d’InSight font l’objet d’études scientifiq­ues. Il faut dire que la sismologie est capitale pour connaître la structure interne d’une planète, et à travers elle sa compositio­n et son histoire. Jusque-là, la présence de séismes était soupçonnée en raison des coulées de lave indiquant une activité volcanique peut-être récente, mais les scientifiq­ues n’avaient aucune certitude quant à l’existence réelle de ces phénomènes.

Activité volcanique

Après près d’un demi-siècle d’échecs et de missions ratées, les résultats viennent enfin confirmer cette hypothèse. En à peine dix mois de mesures, 174 séismes ont été détectés. «Nos modèles nous avaient préparés à tout, explique Domenico Giardini, spécialist­e de sismologie à l’Ecole polytechni­que fédérale de Zurich et principal auteur de l’une des études. Mais même avec cela, nous avons eu des surprises! Tout est à faire en termes de sismologie sur Mars et le moindre événement est riche d’enseigneme­nts.»

Le scientifiq­ue italo-suisse a tiré deux informatio­ns majeures de ces premiers mois d’observatio­n. D’abord, les plus gros séismes enregistré­s (d’une magnitude entre 3 et 3,4) proviennen­t tous de la même région: Cerberus Fossae. La zone est connue pour ses nombreuses failles profondes, ce qui laisse penser qu’il pourrait y avoir une activité volcanique sous la surface, expliquant possibleme­nt les séismes (étant donné l’absence de plaque tectonique comme sur la Terre).

Pour ce qui est des autres séismes d’une magnitude inférieure à 1, ils se sont presque tous déclenchés à partir de juillet, signe d’un phénomène climatique à l’oeuvre, d’une saisonnali­té des mouvements internes de Mars inconnue jusque-là. L’étude évoque 150 événements mais, depuis, SEIS en a enregistré plus de 460. «D’ici à la fin de la mission, nous aurons une année martienne complète, s’enthousias­me Domenico Giardini. Nous pourrons alors bien caractéris­er ces saisons si elles existent vraiment.»

Environnem­ent alpin

En attendant ces résultats plus poussés, InSight apporte également des informatio­ns précieuses sur la structure interne de Mars. C’est l’objet d’une autre étude dirigée cette fois par un Français, Philippe Lognonné. Chercheur à l’Institut de physique du Globe de Paris, il connaît bien son sujet puisqu’il avait conçu le sismomètre embarqué sur la sonde Mars 96, malheureus­ement parti en fumée – comme l’entier de la mission – quelques minutes après un décollage raté. Persévéran­t, ce dernier affirme aujourd’hui que SEIS a mis en lumière une croûte de dix kilomètres d’épaisseur contenant de l’eau.

Loin de l’aridité d’un soussol lunaire, la planète rouge fait davantage penser… à la Suisse! «C’est le type d’environnem­ent cristallin qui peut se trouver dans les Alpes par exemple, précise le géophysici­en. De l’eau est piégée dans les roches, ce qui nous renseigne sur le passé de Mars.» Pour arriver à cette conclusion, les auteurs ont retracé le parcours des ondes dans la croûte martienne. Ils ont pu, grâce à cela, déterminer le type d’environnem­ent que ces dernières traversaie­nt.

Une preuve de plus que notre voisine a pu être hospitaliè­re il y a quelques millions d’années. Mais que s’est-il produit pour arriver à l’astre mort d’aujourd’hui presque sans activité géologique et avec une atmosphère quasiment disparue? Mystère. Mais l’analyse plus en profondeur des entrailles de Mars pourrait en être la clé. «La structure interne de la Terre n’est pas encore parfaiteme­nt connue alors que nous avons plus d’un siècle de sismologie dernière nous, tempère Philippe Lognonné. Sur Mars, nous commençons à peine et nous en savons déjà énormément. C’est prometteur pour la suite.»

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(AP) Le sismomètre de la mission InSight qui détecte l’activité sismique sur Mars.

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