L’usage de drogues illicites augmente en Suisse, sans susciter beaucoup d’inquiétude
Les drogues illicites semblent être entrées dans les moeurs. On en parle au gré de la parution des statistiques de consommation ou des saisies en douane, sans commentaires inquiets ni jugement de valeur, contrairement au tabac ou à l’alcool pour lesquels les efforts de prévention se poursuivent. Dès lors, le tabagisme intensif a diminué de moitié en Suisse depuis vingt-cinq ans, même si, malheureusement, il s’est déplacé vers des catégories sociales dites moyennes-inférieures, dont la vie est peut-être suffisamment inconfortable pour ne pas craindre de la raccourcir. Il n’en va pas de même avec la cocaïne. Selon l’enquête suisse sur la santé (ESS), on observe «une augmentation quasi continue de la prévalence à vie de l’usage de cocaïne chez les 15-24 ans (1992: 2,2%, 2017: 3,7%)». Cette tendance est similaire chez tous nos voisins.
Sachant que ce type d’études utilisant des questions d’autoévaluation sont indispensables pour mesurer les évolutions, mais ne parviennent pas à donner l’incidence réelle de la consommation, ces chiffres sont évidemment sous-estimés. En France, Le Monde du 6 mai 2019 l’exprimait avec humour: «Si seuls 5,6% des Françaises et Français ont vraiment pris de la cocaïne au moins une fois dans leur vie, ils se sont répartis entre eux les 15 tonnes consommées en France en 2010, selon les calculs de l’Institut national des hautes études sur la sécurité et la justice.» Evidemment, cela pose problème!
Pour preuve, on découvre des différences inexplicables entre les études de comportement et l’analyse des résidus de cocaïne, héroïne, ecstasy et autres joyeusetés dans les eaux usées. Grâce à l’Observatoire des drogues et des toxicomanies, on connaît désormais la teneur des eaux issues de 73 villes dans 20 pays. Le scoop fut que, en 2018, Zurich, Berne et Genève figuraient parmi les plus fortes concentrations, à côté d’Amsterdam et Londres quand même. A Zurich, la teneur en week-end est passée de 480 milligrammes en 2012 à 970 mg: le double! A Berne, la situation n’est guère meilleure: 275 mg en 2012, contre 526 mg en 2018. Et que dire de Genève, passée de 311 mg en 2012 à 680 mg en 2018. Attention, on parle bien ici de cocaïne, pas de drogue douce!
Cela n’empêche pas Addiction Suisse de spécifier dans son rapport du 4 février 2020 que «les données montrent que la Suisse est, en comparaison européenne, un pays avec une prévalence de consommation de drogues illégales plutôt moyenne, supérieure à celle de l’Allemagne mais inférieure à celles de la France et de l’Italie s’agissant du cannabis et de la cocaïne». Satisfecit…
Concernant le cannabis, la drogue illicite la plus consommée, le Panorama suisse des addictions 2020 indique une augmentation importante chez les jeunes de 15 à 24 ans: 9% disent en avoir fumé durant le mois écoulé en 2017, alors ils n’étaient que 6% à le faire dix ans auparavant. Cependant, rien n’arrête la marche du législateur vers sa libéralisation, même si de nombreux milieux autorisés observent que la pression sociale a un rôle à jouer dans la prévention. Par exemple, Unisanté (Unil) mentionne: «Dans des milieux sociaux ou géographiques où les attitudes sont plus favorables à l’égard d’un comportement ou d’une substance, les probabilités d’adopter ce comportement ou de consommer cette substance sont plus élevées que dans des environnements où les normes sociales sont moins positives.» Pourtant, en janvier, la Commission de la santé du National a accepté une révision de la loi sur les stupéfiants, permettant des «essais pilotes» de distribution de cannabis afin d’acquérir des connaissances scientifiques sur leur utilisation récréative non médicale. Il s’agirait de fournir des bases fondées pour d’éventuelles modifications législatives futures. Mais, attention, notre législateur qui pense à tout exige que les produits distribués soient bios et cultivés en Suisse. Même sans joint, on croit planer…
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