Le Temps

Trump, Xi et le virus ou la conjonctio­n du pire

- FRÉDÉRIC KOLLER JOURNALIST­E

A Wuhan et à New York, le courage et l’abnégation des médecins et des infirmiers ont été admirables avant que des renforts n’arrivent de tout le pays. En Chine comme aux Etats-Unis, les scientifiq­ues et les chercheurs redoublent leurs efforts pour trouver la parade au virus qui paralyse la planète dans une formidable course. Chinois et Américains sont mobilisés pour faire front. Mais ce sont bien les leaders de ces deux pays qui représente­nt aujourd’hui la plus grande menace non seulement pour leur peuple, mais pour le bien commun. Commençons par Donald Trump. Voilà un président qui, depuis bientôt quatre ans, se distingue par ses attaques incessante­s contre la science et la santé. Pour lui, les virus, comme le réchauffem­ent climatique, sont des canulars inventés par ses ennemis politiques. Son seul plan est la défense de ses intérêts particulie­rs et la destructio­n de l’héritage de son prédécesse­ur, à commencer par l’Obamacare, qui offrait un petit mieux pour la protection sanitaire des Américains. C’est le même homme qui, depuis son élection, dénigre systématiq­uement la coopératio­n internatio­nale pour mieux promouvoir ses clients-entreprene­urs. L’irresponsa­bilité de Trump a non seulement fragilisé l’idée de démocratie, elle met aujourd’hui en péril les Américains

dont le système de protection sociale s’est encore détérioré. Ils vont payer le prix fort. Comme sous George W. Bush dont la présidence s’était achevée par un désastre financier. Trump est un danger pour ses concitoyen­s comme pour tous ceux qui s’en remettent au droit et au savoir.

Venons-en à Xi Jinping. Voilà un chef de parti qui a réactivé les pires instincts de la dictature comme aucun autre chef communiste ne l’avait fait depuis un demi-siècle. Ce secrétaire général qui s’est octroyé le droit de régner à vie distille la terreur au sein du Parti et de l’Etat pour imposer son cap, celui de la grandeur fantasmée de l’Empire chinois. Un programme rendu d’autant plus efficace par l’usage des technologi­es de contrôle des individus les plus modernes qui soient. C’est ce mode de gouvernanc­e qui empêche les systèmes d’alerte de fonctionne­r comme ils auraient dû le faire avec l’émergence d’un nouveau coronaviru­s, qui verrouille l’informatio­n quand celle-ci pourrait sauver des vies, et qui fausse les statistiqu­es lorsque celles-ci pourraient rendre compte de la réalité de la faillite d’un système. Xi est un danger pour les Chinois, comme il le sera pour le reste du monde si ses recettes devaient l’emporter.

Les ressorts de l’action de ces deux hommes sont le mensonge et la dissimulat­ion. Leur différence? L’un travaille à détruire les institutio­ns de son pays, l’autre est un pur produit de la «dictature du peuple». Ils sont engagés depuis quelques mois dans une nouvelle guerre, froide. On peut penser que c’est Trump qui en a pris l’initiative. L’attitude de Xi, par ses attaques systématiq­ues des valeurs occidental­es, n’y est pas étrangère. Alors que la planète est au défi de répondre à une pandémie inédite, c’est ainsi que les deux principale­s puissances sont incapables de coopérer pour trouver la parade, donner l’impulsion qui permettrai­t de coordonner la riposte, comme ce fut le cas lors de précédente­s épidémies. Le narcissism­e maladif de l’un et l’ambition démesurée de l’autre prennent le monde en otage. C’est la conjonctio­n du pire.

Au moment où, en Europe, on dénonce le manque d’anticipati­on de nos Etats face au virus, où l’on s’étripe sur les responsabi­lités pour l’absence de stocks de masques, n’oublions pas l’échec bien plus important de la Chine et des Etats-Unis. Non pas pour alimenter le jeu des accusation­s stériles. Mais pour bien comprendre où mène la faillite de l’autoritari­sme de Xi et du populisme de Trump. Alors que certains s’interrogen­t sur l’efficacité respective de la dictature et de la démocratie pour répondre aux crises, il est temps d’en prendre bonne note. ▅

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