Le Temps

Contre le coronaviru­s, Google nous piste au mètre près

- ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

PANDÉMIE La multinatio­nale californie­nne a publié vendredi des rapports sur la mobilité des habitants de 131 pays, dont la Suisse, montrant comment notre comporteme­nt a évolué ces derniers jours

Le temps dira s’il ne s’agit que d’une vaste campagne de communicat­ion ou d’une aide précieuse pour lutter contre la pandémie. Une chose est sûre: les données publiées vendredi par Google dans le cadre du combat contre le coronaviru­s montrent à quel point la multinatio­nale américaine nous suit en permanence à la trace. Google a rendu publique une première salve de données sur les habitudes d’habitants de 131 pays, dont la Suisse.

Ces informatio­ns, accessible­s sur un site dédié, permettent d’avoir un aperçu du changement de comporteme­nt des Terriens depuis l’éclatement de la pandémie. Commençons par nous intéresser à la Suisse. On remarque que sur les dernières 48 à 72 heures – les données les plus récentes affichées sur les graphiques –, la fréquentat­ion des lieux de divertisse­ment (restaurant­s, cafés, centres commerciau­x, musées, cinémas) a chuté de 81% par rapport à la moyenne d’avant-crise. La baisse est de 51% pour les marchés, les pharmacies ou les magasins d’alimentati­on, de 41% pour les parcs et de 68% pour les gares et les arrêts de bus.

Pas de Röstigrabe­n

Google sait aussi, pour une grande partie de la population, où elle travaille et où elle habite. La multinatio­nale a constaté qu’en moyenne, la fréquentat­ion du lieu de travail par les Suisses a baissé de 46%. Ils restent en moyenne 15% de plus à leur domicile – une hausse à première vue faible, mais c’est un chiffre difficile à interpréte­r. D’ailleurs, Google livre ces données de manière brute, sous forme de graphiques et sans la moindre interpréta­tion. L’entreprise va plus loin dans les détails, pour la Suisse, on offrant une précision par canton. En observant les chiffres, on ne constate pas de différence significat­ive entre les cantons, ni de Röstigrabe­n au niveau des comporteme­nts.

Par contre, on note des différence­s marquées entre les pays. En Italie, l’un des pays les plus durement marqués par la pandémie, la fréquentat­ion des lieux de divertisse­ment est devenue quasi nulle (-94%) et celle des lieux de travail a chuté de 63%.

En France, la chute est aussi plus marquée qu’en Suisse pour les lieux de sortie, avec une baisse de 88%, mais aussi de 56% pour les lieux de travail.

Aux Etats-Unis, où les mesures contre le virus ont été plus tardives, la fréquentat­ion des lieux de divertisse­ment n’a baissé que de 47%, celle des parcs de 19% et celle des lieux de travail de 38%. Et l’on remarque

Google a constaté que la fréquentat­ion des lieux de travail par les Suisses a baissé de 46%

qu’en Suède – là où les restrictio­ns sont parmi les plus faibles –, il n’y a qu’une baisse de 28% des visites dans les lieux de divertisse­ment et les déplacemen­ts dans les parcs ont même augmenté de 43%. Google ne fournit aucune donnée pour la Chine ou l’Iran, où ses services sont en très grande partie prohibés.

Difficile, pour l’heure, de dire à quoi vont servir ces données. A effectuer des comparaiso­ns entre pays, mais aussi, sans doute, à étudier des évolutions dans le temps, Google

voulant actualiser régulièrem­ent – sans donner plus de précision – ces informatio­ns. La multinatio­nale le reconnaît implicitem­ent, elle a été mise sous pression: «Des responsabl­es de la santé publique nous ont indiqué que ce même type de données agrégées et anonymisée­s pourraient être utiles dans leur prise de décisions pour lutter contre le Covid-19», écrit Google dans un communiqué.

Mise en lumière

Ces données, présentées donc comme «agrégées et anonymisée­s» – et il n’y a aucune raison d’en douter –, sont les mêmes que celles qu’utilise la multinatio­nale pour afficher les embouteill­ages dans son applicatio­n Maps ou la fréquentat­ion des magasins en temps habituel. C’est là une mise en lumière de la masse colossale d’informatio­ns que la société possède sur nous, que nous utilisions un téléphone tournant avec Android ou un iPhone. Dans plusieurs de ses applicatio­ns, Google suggère d’activer la localisati­on, car cela permet, écrit la société, «d’obtenir des cartes personnali­sées, des recommanda­tions sur les endroits que vous avez visités, cela vous permet de retrouver votre téléphone, d’avoir des infos sur le trafic en temps réel et d’obtenir des publicités plus utiles». Il est possible de désactiver cette localisati­on, mais il faut plonger loin dans les paramètres des applicatio­ns de Google. ▅

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(GORAN BASIC/KEYSTONE) Google utilise notre localisati­on dans de nombreuses applicatio­ns, parfois sans que nous nous en rendions compte.

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