Le Temps

Lisa Zimouche, footballeu­se libre

La Franco-Algérienne est l’une des figures d’une discipline aussi jeune qu’elle: le freestyle, qui mixe football et acrobatie, et auquel elle ajoute sa touche artistique.

- ROMUALD GADEGBEKU, PARIS @RomualdGad­e

Adolescent­e, elle multipliai­t déjà les tours du monde sans même avoir à bouger d’Antony, la ville de banlieue parisienne où elle a grandi. Précisons: tours du monde avec ballon. Le geste consiste à enrouler son pied autour de la sphère et à en faire le tour avant de reprendre sa série de jongles. C’est l’un des tricks de base du football freestyle, la discipline qu’elle s’est choisie. Bien lui en a pris. Aujourd’hui, Lisa Zimouche, 20 printemps, compte plus de 2 millions de fans sur Instagram. Haute de 1 m 65, elle a défié Ronaldinho, joué contre Zidane, mis un petit pont (sa spécialité) à Mario Balotelli. Et est allée faire étalage de ses skills de Los Angeles à Moscou en passant par Le Caire.

Elle a d’abord fait du foot traditionn­el, commencé au city-stade en bas de chez elle. Joué dans différents clubs des Hauts-deSeine, puis rejoint le Paris Saint-Germain où elle a évolué jusqu’en U16. Son habileté naturelle ballon au pied, elle la travaille en parallèle en faisant du freestyle, «un espace de créativité» face au foot et ses consignes strictes à respecter sur le pré. Un côté athlète-artiste qu’elle s’en va développer auprès du Team S3, un collectif de freestyler­s qui tentent de faire monter la discipline en France au début des années 2010. Lisa a alors à peine une dizaine d’années.

Egérie des marques de la «street culture»

«C’était incroyable de voir une petite fille aussi motivée. Elle était déjà à fond dedans, se souvient Andreas Cetkovic, l’un des membres fondateurs du collectif. Et on voyait déjà son potentiel, son toucher de balle au sol. Ça nous faisait kiffer.» Accompagné­e aux événements par sa mère, la préado grandit en même temps que cette discipline encore méconnue, et que ses détracteur­s comparent sans cesse au «vrai foot». Malgré cela, Lisa s’y investit, s’entraîne deux heures par jour et participe à des compétitio­ns, dont les Championna­ts du monde de «panna soccer» (compétitio­n de freestyle spécialisé­e dans les petits ponts) 2014, qu’elle remporte à 15 ans. La même année, elle opte définitive­ment pour le freestyle.

Dans ce condensé de foot, de danse et d’art circassien qu’est le freestyle, Lisa Zimouche ajoute la création de contenu. Elle poste des vidéos de ses tricks (figures) sur Instagram, de beaux gestes immortalis­és dans de beaux lieux. Où ses enchaîneme­nts sont souvent habillés de rap US. Pour la jeune Franco-Algérienne, créer ne se limite pas au ballon. Les courtes vidéos font le buzz sur les réseaux sociaux, 1 puis 2 millions d’abonnés suivent. De quoi attirer les marques. Elle a notamment collaboré avec Puma ou Red Bull. Un chemin différent de Mélody Donchet, l’une des autres – rares – filles de la scène française, qui préfère se concentrer sur la compétitio­n, avec à la clé cinq titres de championne du monde de football freestyle pour elle. «C’est très difficile pour un freestyler de tout faire en même temps. Lisa, tu la mets plus dans une case «street soccer» – en petits ponts, c’est l’une des meilleures – plutôt que freestyle pur, analyse Andreas Cetkovic. Si tu veux faire de la compétitio­n, il faut vraiment être «focus» sur ça, avec des entraîneme­nts stricts.»

Invitée aux Nations unies

Depuis ses débuts, la discipline a bien grandi; Lisa aussi. Elle a quitté le collectif S3 pour voler de ses propres ailes. Et espère avoir participé à ouvrir la voie. «C’était aussi un moyen de montrer que les femmes peuvent faire du freestyle, jouer au foot et être bonnes à ça. On se bat toujours pour le prouver, et les réseaux sociaux peuvent aider à faire passer le message», disait-elle à ESPN. Elle traduit ces paroles dans une vidéo où on la voit jongler en talons aiguilles. C’était à New York au printemps dernier, en marge du Forum de la jeunesse des Nations unies, où elle s’est rendue pour évoquer notamment les questions d’égalité homme-femme.

Une problémati­que qu’elle observe à travers sa pratique du jeu. «Je pense que la situation a déjà bien évolué entre le moment où j’ai commencé le foot et aujourd’hui.

Il y a désormais beaucoup plus de filles qui jouent au football et elles sont bien plus visibles à la télé.» Si Lisa a commencé cette discipline lorsqu’il n’y avait que «toi» et le «ballon», en 2020 le football freestyle est de plus en plus accessible. Les instances olympiques, qui aspirent tant à rajeunir leur public, devraient bientôt s’y intéresser. Et localement, en France comme en Suisse, associatio­ns, clubs, collectifs ont vu le jour et permettent aux nouveaux adeptes de se familiaris­er avec la pratique, désormais en liberté très surveillée.

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(JULIEN FAURE) Formée au foot traditionn­el, Lisa Zimouche s’est prise de passion dès son plus jeune âge pour le freestyle, cet «espace de créativité» sans borne. A 20 ans, elle compte plus de 2 millions de fans sur Instagram.

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