«Un cauchemar à visée morale»
A l’origine était une nouvelle, The Most Dangerous Game, écrite en 1924 par Richard Connell, prolifique écrivain de l’entre-deuxguerres. Publiées dans les magazines The Saturday Evening Post et Collier, ses histoires courtes l’avaient rendu extrêmement populaire, au point, sans surprise, de rapidement intéresser le cinéma – sa collaboration avec Frank Capra pour L’Homme de la rue lui vaudra en 1942 une nomination à l’Oscar du meilleur scénario.
Mais c’est bien The Most Dangerous Game, récit mettant en scène un aristocrate russe aimant chasser «le plus dangereux des gibiers», à savoir des humains, qui lui vaudra sa célébrité. The Hunt n’est qu’un film parmi les dizaines d’autres qui se sont plus ou moins librement inspirés – tant pour le cinéma que pour la télévision – de cette nouvelle. Et à ce jour, c’est toujours sa toute première adaptation, coréalisée par en 1932 par Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel pour la RKO, mythique studio de l’âge d’or d’Hollywood, qui reste la plus fameuse.
Exploitée en français sous le titre La Chasse du comte Zaroff (et parfois aussi Les Chasses du comte Zaroff ), cette version a pour première particularité d’être intimement liée à
un film clé de l’histoire du cinéma fantastique, qui sortira une année plus tard: King Kong. Mêmes studio et producteur exécutif (David O. Selznick), même coréalisateur (Schoedsack), même star féminine (Fay Wray) et mêmes décors: les deux titres ont été tournés dans la foulée, et peut-être même en partie simultanément. Ils partagent également des liens thématiques, revisitant chacun à leur manière la figure du monstre.
Bob Rainsford, héros de La Chasse du comte Zaroff, explique, avant le naufrage de son navire, que le monde se divise en deux catégories: les chasseurs et les chassés. Rien ne rompra cette dualité, il ignorera toujours ce que ressent une proie. Du moins pensait-il avant de trouver refuge sur l’île de Zaroff… Ce film, résume Jacques Lourcelle dans son Dictionnaire du cinéma (Robert Laffont, 1992 pour la première édition), «constitue en tout état de cause un cauchemar à visée morale, servi par une absence de sentimentalité et de pathos absolument inoubliable».
«La Chasse du comte Zaroff» («The Most Dangerous Game»), d’Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel (Etats-Unis, 1932), avec Joel McCrea, Fay Wray, Leslie Banks, Robert Armstrong, 1h02. Disponible en version originale sous-titrée sur YouTube.