Le Temps

Les espions qu’on aimait

- S. G.

Une année après la disparitio­n de Claude Goretta, on apprenait dimanche dernier le décès de Jean-Louis Roy, autre membre du Groupe 5, ce collectif à qui l’on doit, entre 1969 et 1973, le renouveau du cinéma suisse. Né en 1938 à Lugano, Roy a réalisé un seul film officielle­ment estampillé Groupe 5: Black Out (1970). Mais à l’heure de lui rendre hommage, c’est sans surprise un autre titre, son premier long métrage, qui a été largement cité: L’Inconnu de Shandigor, sorti en 1967. Une oeuvre unique dans le paysage cinématogr­aphique romand et qui reste, aujourd’hui encore, un objet de fascinatio­n totale.

Magnifique­ment restauré en 4K à partir du négatif original, L’Inconnu de Shandigor a eu les honneurs d’une séance spéciale au Locarno Festival 2016 (où il avait connu sa première suisse en 1967, après avoir été en compétitio­n à Cannes), avant d’être édité par la Cinémathèq­ue suisse dans un coffret dédié au Groupe 5, alors même qu’il a donc été réalisé avant sa création. On ne peut en outre pas vraiment affirmer qu’il en serait une sorte de préfigurat­ion, tant cet exercice de style tourné en 35 mm, à la fois iconoclast­e et ambitieux, obéit à sa propre temporalit­é.

L’histoire, qui dans le fond n’est pas ce qui importe le plus, est celle de trois bandes cherchant à mettre la main sur les plans d’une invention permettant de désamorcer une charge nucléaire. A la tête d’une brigade soviétique, Jacques Dufilho prend un malin plaisir à charger son accent et à jouer au machiavéli­que homme de l’ombre. Dirigeant une escouade d’espions chauves, Serge Gainsbourg est lui joliment lunaire. Il a même composé un morceau pour le film, Bye Bye Mister Spy, qu’il interprète à l’orgue dans une séquence magnifique­ment construite et qui contribue à faire de L’Inconnu de Shandigor un film de genre rythmé comme une BD, haletant comme un polar et stimulant comme une oeuvre

expériment­ale.

 ??  ?? «L’Inconnu de Shandigor», de Jean-Louis Roy (Suisse, 1967), avec Marie-France Boyer, Ben Carruthers, Jacques Dufilho, Serge Gainsbourg, Daniel Emilfork, 1h35. Disponible jusqu’à la fin d’avril sur RTS Play.
«L’Inconnu de Shandigor», de Jean-Louis Roy (Suisse, 1967), avec Marie-France Boyer, Ben Carruthers, Jacques Dufilho, Serge Gainsbourg, Daniel Emilfork, 1h35. Disponible jusqu’à la fin d’avril sur RTS Play.

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