Le Temps

Les taux négatifs coûtent 40 milliards aux épargnants

- MATHILDE FARINE, ZURICH @MathildeFa­rine

Une fintech a calculé le manque à gagner dû aux taux négatifs. En 2009, un Suisse recevait en moyenne 740 francs d’intérêts sur ses dépôts bancaires, un chiffre tombé au-dessous de 100 francs en 2019. Ce qui n’a pas empêché l’épargne d’augmenter de plus de 40%

Les Suisses épargnent toujours davantage, tout en récoltant moins d’intérêts. C’est ce qui ressort d’une étude réalisée par Savedo.ch, l’antenne suisse de la start-up allemande Savedo. Ces dix dernières années, les dépôts ont augmenté de 42% pour atteindre 840 milliards de francs, des sommes qui se trouvent actuelleme­nt dans des comptes bancaires ne rapportant pas ou très peu d’intérêts. Les auteurs ont cumulé les comptes courants, privés, à terme et d’épargne pour arriver à ce chiffre.

Les taux bas – puis négatifs depuis fin 2014 – ont entraîné une «décennie perdue» pour les investisse­urs, déplore la société. En 2008, un Suisse recevait en moyenne 740 francs d’intérêts liés à ses comptes bancaires, un chiffre tombé au-dessous de 100 francs en 2019. Savedo.ch a utilisé un taux moyen pondéré en fonction des volumes pour faire ce calcul. Il est ainsi passé de 0,66% en 2009 à 0,09% en 2019.

L’inflation en plus

La start-up calcule ainsi que le manque à gagner dû à la baisse du loyer de l’argent dans le sillage de la crise financière représente un total de 41,7 milliards en dix ans. A l’inverse, si le niveau était resté le même depuis 2009, et en tenant compte de la hausse de la fortune ces dernières années, les habitants seraient plus riches de 65 milliards, soit 7600 francs par personne. A cela s’ajoute le facteur inflation. Même très faible, le renchériss­ement a dépassé le taux d’épargne, selon l’étude. Elle montre que, depuis 2017, lorsque les taux réels (une fois que l’inflation est déduite) sont devenus négatifs, cette perte atteint 12 milliards ou 1400 francs par habitant.

«Les banques centrales autour du monde ont encore davantage ouvert les vannes récemment. Les épargnants doivent donc se préparer à ce que l’environnem­ent de taux bas prévale encore», a considéré Thomas von Hohenhau, qui dirige Savedo.ch et qui se targue d’offrir des solutions d’épargne plus rémunératr­ices. Savedo appartient à la fintech allemande Deposit Solutions, qui elle-même compte parmi ses investisse­urs Deutsche Bank ou encore Peter Thiel, l’entreprene­ur germano-américain à l’origine de PayPal. Plateforme offrant des solutions d’investisse­ments, cette start-up est valorisée à un peu plus d’un milliard d’euros.

Cette situation crée un «trou dans les poches des Suisses», regrette-t-il. La Banque nationale suisse a abaissé son taux directeur au-dessous de zéro pour la première fois en décembre 2014, puis à nouveau en janvier 2015 alors qu’elle retirait le taux plancher entre le franc et l’euro. Les autres banques centrales appliquent également une politique monétaire très accommodan­te, mais la plupart ne se sont pas aventurées en terrain négatif.

Cela n’a pas empêché les ménages suisses d’épargner toujours plus, année après année. Les Suisses sont même champions dans ce domaine. Une étude de l’Office fédéral de la statistiqu­e (OFS), publiée en fin d’année dernière, montrait qu’entre 2015 et 2017 les ménages ont mis 1460 francs de côté en moyenne, par mois. Lors de la dernière étude similaire, entre 2006 et 2008, le montant atteignait 913 francs. Cette moyenne cache cependant d’importante­s disparités en fonction des revenus des ménages.

En moyenne, les comptes bancaires génèrent toujours un rendement légèrement positif, mais tout dépend du type de compte ou de banque. Le comparatif en ligne Moneyland, qui, lui, a calculé un taux moyen de 0,05% pour les comptes d’épargne, a établi une liste des établissem­ents ayant introduit des taux négatifs. La Banque alternativ­e suisse impose entre -0,125 et -0,75% suivant les montants et le type de compte, PostFinanc­e applique -0,75% dès 250000 francs, tout comme la Banque cantonale des Grisons. D’autres le font pour des montants supérieurs. Certaines ne l’ont pas ou très peu changé, mais elles ont compensé en augmentant les frais de gestion.

«Les épargnants doivent se préparer à ce que l’environnem­ent de taux bas prévale encore» THOMAS VON HOHENHAU DIRECTEUR DE SAVEDO.CH

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(DENIS BALIBOUSE/REUTERS) La Banque nationale suisse a abaissé son taux directeur au-dessous de zéro pour la première fois en décembre 2014, puis à nouveau en janvier 2015.

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