Le Temps

«Les primes devraient plutôt baisser»

Spécialist­e du monde de la santé, le responsabl­e des affaires publiques du site Comparis.ch Felix Schneuwly estime qu’il n’y a pas la moindre raison objective de craindre une explosion des primes

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

ASSURANCE MALADIE Spécialist­e du monde de la santé, un responsabl­e du site Comparis.ch estime qu’il ne faut pas craindre une explosion des primes. Au contraire, explique-t-il.

■ De son côté la faîtière des caisses, Santésuiss­e, se refuse encore à tout pronostic quant à l’évolution des primes maladie en 2021.

Cela a été la grande inquiétude des parlementa­ires dès le début de la crise du coronaviru­s: l’explosion des primes maladie en raison des coûts supplément­aires pour le système de santé suisse. Ruth Humbel (PDC/AG), membre de la Commission de santé (CSSS) du Conseil national, a été parmi les premières à tirer la sonnette d’alarme. «Il faut absolument éviter un choc des primes, car celui-ci toucherait d’abord les gens qui sont déjà au chômage partiel», déclare-t-elle dans la presse alémanique.

De gauche à droite de l’échiquier politique, les élus sont unanimes à vouloir empêcher ce scénario en septembre prochain. Même le PLR estime qu’il faut que l’Etat intervienn­e dans ce but. Dans Blick, le sénateur Damian Müller (PLR/LU) annonce qu’il rédigera un rapport à ce sujet à l’intention de la Commission des finances. Sur quoi son collègue Josef Dittli (PLR/UR), qui est aussi président de l’associatio­n des caisses Curafutura, promet d’étudier le dossier.

Des hôpitaux presque vides

Tout cela sera-t-il bien nécessaire? Un homme en doute. Il s’agit de Felix Schneuwly, le responsabl­e des affaires publiques du comparateu­r de primes Comparis.ch. Ce Fribourgeo­is a été secrétaire général de la Fédération suisse des psychologu­es, puis de celle des aveugles et malvoyants avant de reprendre une position dirigeante au sein de l’associatio­n faîtière des caisses Santésuiss­e. A tous ces titres, il est un des meilleurs connaisseu­rs de notre système de santé. Et aujourd’hui, il clame qu’il y a davantage de raisons pour que les primes baissent plutôt qu’elles n’augmentent l’an prochain.

«Les craintes d’une explosion des primes sont totalement injustifié­es, affirme Felix Schneuwly. En premier lieu parce que les hôpitaux et les cabinets médicaux sont quasiment vides depuis que le Conseil fédéral a décrété l’état de «situation extraordin­aire» le 16 mars dernier», explique-t-il. Dans l’ordonnance qu’il a édictée, le gouverneme­nt a expresséme­nt interdit tous les examens, traitement­s et thérapies non urgents. Dès lors, la plupart des hôpitaux publics se sont transformé­s en établissem­ents dédiés à la maladie du Covid-19, abandonnan­t plus des deux tiers de leur activité traditionn­elle. Même scénario pour les cabinets médicaux, dont certains ne couvraient parfois même plus 30% de leurs frais fixes, ce d’autant plus que certains de leurs patients renonçaien­t à des visites par peur d’attraper le coronaviru­s. De surcroît, le confinemen­t partiel dans lequel le Conseil fédéral a plongé la population a fait reculer le nombre d’accidents de la circulatio­n ou survenant sur le lieu de travail.

Ce sont là autant de coûts que les assurances ne devront pas couvrir. En revanche, elles devront essuyer la facture des traitement­s du coronaviru­s. Mais comme toutes ces dépenses relèvent du secteur stationnai­re, elles sont partagées, les cantons en assumant les 55%.

Des Suisses hypocondri­aques?

C’est une évidence: si les cantons et leurs hôpitaux ont beaucoup de soucis à se faire pour amortir le choc du coronaviru­s, les caisses peuvent entrevoir l’avenir avec beaucoup plus de sérénité. L’avenir, c’est dans l’immédiat un deuxième semestre qui s’annonce moins dramatique, mais plus chargé que le premier semestre.

A ce sujet, Felix Schneuwly formule deux hypothèses. La première est pessimiste, mais pas forcément irréaliste: les hôpitaux et cabinets médicaux doivent faire face à un afflux de patients qui ont retardé leur traitement. Il s’ensuit un effet de rattrapage, et peut-être même des surcoûts si leur état de santé s’est aggravé.

La deuxième hypothèse est provocante, mais pas totalement exclue. «Si la première variante ne se vérifie pas, il faudra bien conclure que l’interdicti­on des interventi­ons non urgentes

«Celui qui croit qu’il suffira de davantage d’Etat pour parer au prochain virus se trompe autant que celui qui ne jure que par le marché libre»

aura montré à quel point nous consommons de la médecine inutile. Et qu’il n’y a pas besoin de courir chez son médecin ou aux urgences d’un hôpital pour chaque bobo», avance Felix Schneuwly. Le spécialist­e de Comparis.ch s’interroge: les Suisses seraient-ils hypocondri­aques?

A l’heure de tirer un premier bilan de la crise, le Fribourgeo­is n’est pas tendre. Pas question pour lui de se réjouir du fait que la Suisse a mieux surmonté la crise que d’autres pays et que notre système hospitalie­r n’a pas été débordé. «Il s’agit là d’une faillite collective à la tête de l’Etat. Malgré notre loi sur les épidémies, le plan de pandémie et les avertissem­ents que contenait le rapport du professeur Thomas Zeltner, la Suisse s’est révélée mal préparée, moi aussi d’ailleurs», résume-t-il en avouant qu’il s’est trompé sur la gravité du virus.

«Une faillite collective»

Felix Schneuwly espère désormais que les partis politiques ne céderont pas à la tentation d’exploiter la crise sur un plan idéologiqu­e. «Celui qui croit qu’il suffira de davantage d’Etat pour parer au prochain virus se trompe autant que celui qui ne jure que par le marché libre.» Sa recette à lui? «Le pragmatism­e helvétique, soit un savant mélange de solidarité et de responsabi­lité individuel­le, de même qu’un subtil équilibre entre les secteurs public et privé.»

Faut-il s’en étonner? La faîtière des caisses Santésuiss­e se refuse encore à tout pronostic quant à l’évolution des primes maladie en 2021, fait savoir son porte-parole Christoph Kaempf. Elle reconnaît qu’«une part non négligeabl­e de coûts tombent au premier semestre», mais s’attend à «un très probable effet de rattrapage» qui pourrait durer jusqu’en l’an prochain. Or, comme le prévoit la loi sur l’assurance maladie (LAMal), les prochaines primes se fonderont sur l’évolution des coûts en 2021, et non sur les dépenses effectives de cette année. «S’il s’avère a posteriori que les coûts ont été inférieurs aux projection­s, les caisses rembourser­ont la différence aux assurés, comme elles l’ont souvent fait ces dernières années», précise encore Christophe Kaempf.

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(ANTHONY ANEX/KEYSTONE) De gauche à droite de l’échiquier politique, les élus sont unanimes à vouloir empêcher l’explosion des primes en septembre prochain.
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RESPONSABL­E DES AFFAIRES PUBLIQUES DE COMPARIS.CH
FELIX SCHNEUWLY RESPONSABL­E DES AFFAIRES PUBLIQUES DE COMPARIS.CH

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