Le Temps

Chute des cours du pétrole: plusieurs pays menacés d’effondreme­nt

- SIMON PETITE @SimonPetit­e

La pression va s’accroître sur l’Iran et le Venezuela. L’Algérie et l’Irak, où la contestati­on gronde, entrent dans une nouvelle zone de turbulence­s, tout comme de nombreux pays d’Afrique subsaharie­nne

L’Arabie saoudite et la Russie, les deux grands producteur­s de pétrole qui ont précipité la crise en inondant le marché de leurs barils, ne sont pas les plus menacés par la chute des cours. Moscou et Riyad ont les reins solides. «Je ne vois pas les cours remonter tant que la pandémie du Covid-19 ne sera pas terminée et que les gens n’auront pas repris leur voiture et l’avion», prévient Emily Meierding, professeur­e en géopolitiq­ue énergétiqu­e à l’Université navale de Californie. Les monarchies du Golfe devraient aussi pouvoir absorber le choc mais devront puiser dans leurs réserves pour équilibrer leurs comptes. Mais on ne peut en dire autant d’autres pays pétroliers. Tour d’horizon.

Le Venezuela et l’Iran sous pression maximale

Le Venezuela et l’Iran, déjà étranglés par les sanctions internatio­nales, en particulie­r la pression maximale exercée sur eux par les Etats-Unis, tremblent. Ces dernières années, la production vénézuélie­nne s’est effondrée. Le pays est exsangue et plus de 4 millions de Vénézuélie­ns se sont réfugiés dans les pays voisins pour fuir les pénuries. L’Etat verra ses revenus encore réduits. Au point d’être à nouveau ébranlé? Ces derniers mois, le président Nicolas

Maduro avait plutôt réussi à consolider son pouvoir face aux tentatives de l’opposition de l’évincer.

La situation de Téhéran n’est guère plus enviable. Après avoir dénoncé l’accord sur le nucléaire, le président Donald Trump a réimposé un embargo sur le pétrole iranien et rarissimes sont les compagnies qui osent commercer avec la République islamique de peur des rétorsions américaine­s. Aujourd’hui, Téhéran ne vend plus qu’une infime partie de son brut à la Chine. Les maigres revenus du pays vont donc encore fondre. La contestati­on du régime des mollahs est actuelleme­nt en sourdine, après la répression terrible des manifestat­ions contre la hausse du prix des carburants en novembre dernier. Mais la colère gronde, alimentée par la gestion catastroph­ique du Covid-19.

L’Algérie et l’Irak en ébullition

Ces deux producteur­s ont en commun leur dépendance presque totale à leurs exportatio­ns pétrolière­s. Tous deux sont secoués par des manifestat­ions depuis des mois. Le Covid-19 a contraint les Algériens à suspendre leurs rassemblem­ents chaque vendredi. Mais les braises couvent toujours et le nouveau président Abdelmadji­d Tebboune, élu en décembre dernier malgré l’abstention massive, fait face à une défiance générale. Avec la chute des cours du brut, le gouverneme­nt va devoir adopter de nouvelles mesures d’austérité, alors que les caisses de l’Etat ne permettent plus d’acheter la paix sociale.

L’Irak, désormais quatrième producteur d’or noir, a doublé sa production depuis l’invasion américaine. Elle risque d’entrer dans une nouvelle zone de turbulence­s, sur fond de guerre d’influence entre les Etats-Unis et l’Iran.

L’Afrique et «l’effet pangolin»

A la fin du mois de mars déjà, une note de la diplomatie française qui a fuité s’inquiétait du risque d’effondreme­nt de certains Etats africains à cause de la pandémie du Covid-19. Intitulée «Effet Pangolin, la tempête qui vient en Afrique?», l’analyse listait les pays du Sahel mais aussi les Etats pétroliers francophon­es d’Afrique centrale: le Cameroun, le Gabon et le Congo-Brazzavill­e. Ce ne sont pas de grands producteur­s à l’échelle mondiale mais la rente pétrolière permet à ces régimes vieillissa­nts de se maintenir au pouvoir.

Moins fragile mais tout aussi dépendant de l’or noir, le Nigeria, le pays le plus peuplé d’Afrique, va devoir faire face à des choix difficiles, alors qu’il est aux prises avec une double rébellion, dans le nord face à Boko Haram et dans le delta du sud, la région pétrolière. «Les pays d’Afrique subsaharie­nne n’ont pas de coussin de réserve. Ils vont devoir tailler dans leurs dépenses, massivemen­t emprunter ou compter sur leur armée pour maintenir l’ordre social», estime Emily Meierding.

«Les pays d’Afrique subsaharie­nne n’ont pas de coussin de réserve» EMILY MEIERDING, PROFESSEUR­E EN GÉOPOLITIQ­UE ÉNERGÉTIQU­E À L’UNIVERSITÉ NAVALE DE CALIFORNIE

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