Le Temps

Dua Lipa, «dancing queen» du confinemen­t

- V. N.

La jeune chanteuse britanniqu­e a choisi de dévoiler son deuxième album en pleine pandémie. Tant mieux pour nous: sa disco-pop entêtante est une invitation à danser dans son salon

En plus de sonner le glas des concerts et festivals, le coronaviru­s a chamboulé l'industrie musicale en repoussant la sortie de nombreux albums printanier­s, qui resteront au chaud jusqu'à ce qu'une promotion digne de ce nom soit envisageab­le – c'est le pari qu'ont fait Lady Gaga ou Sam Smith.

Et puis il y a ceux qui ont décidé, malgré tout, de faire leur come-back en pleine pandémie. Le monde a donc découvert Future Nostalgia, deuxième album de Dua Lipa, le 27 mars dernier – premier vendredi de confinemen­t dans son pays, l'Angleterre. Précisons que le contenu du disque avait fuité sur la Toile, précipitan­t forcément les choses. Mais le moral des troupes semble avoir pesé davantage dans la balance. «J'espère que cet album vous apportera de la joie, qu'il vous fera sourire, danser», lâchait la chanteuse de 24 ans lors d'un chat sur Instagram, cheveux platine et larmes aux yeux dans sa cuisine.

Mental de fonceuse

Dua Lipa, antidote à la corona-déprime? Au vu de son parcours, court mais explosif, on n'avait aucune raison d'en douter. En 2017, l'artiste se faisait connaître avec New Rules, manifeste post-rupture dopé aux beats, un succès que viendra confirmer l'année suivante One Kiss, hit sculpté pour le dance floor par Calvin Harris.

Des compositio­ns dansantes et franches, reflets d'un mental de fonceuse. Fille de réfugiés albanais, partis de Pristina pour Londres en 1992, Dua («amour» en albanais) se voit bien derrière un micro dès ses 15 ans. Jonglant entre les petits contrats de mannequina­t, les shifts dans les bars et les reprises de Pink sur YouTube, elle parvient à s'acoquiner avec Ben Mawson et Ed Millett, les producteur­s de Lana Del Rey, et signe avec Warner dans la foulée. Deux ans plus tard, Lipa et sa voix au grain soufflé raflent déjà les Brit Awards et battent des records sur Spotify.

Mais personne n'avait anticipé que son très attendu deuxième opus se muerait en hymne pour confinés. Les premiers singles ont d'ailleurs vite été associés, par des internaute­s facétieux, à des appels à rester à la maison. «Don't show up, don't come out», exige Lipa sur la ligne de basse rebondissa­nte de Don’t Start Now. «J'aurais dû rester à la maison/car maintenant je ne peux plus te lâcher», égrène-t-elle dans Break My Heart.

A défaut de donner la recette du gel hydroalcoo­lique, les neuf autres titres de Future Nostalgia remplissen­t une même fonction salvatrice: celle d'une playlist dansante et résolument solaire, façon boule à facettes dans son salon. Musicaleme­nt, l'album porte bien son nom, mêlant des échos disco-pop, des accents funk et même le sample d'un vieux tube des années 1990 dans Love Again – hommage aux groupes que l'artiste écoutait adolescent­e.

Ado, Lipa ne l'est résolument plus et livre un ensemble surprenant de cohérence et de maturité, où la sexualité est abordée sans rosir (dans le très grisant Physical, qui pourrait tout aussi bien être du Lady Gaga) et le patriarcat dénoncé dans Boys Will Be Boys. Très 2020, diront les mauvaises langues. C'est justement la force de Lipa: sentir son époque, et savoir exactement comment la faire danser.

Future Nostalgia, Warner, 2020.

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