Le Temps

Le casse-tête de la couverture des frais du Covid-19

- M. G.

Selon l’associatio­n faîtière des hôpitaux H +, le tarif forfaitair­e DRG remboursan­t les dépenses des patients atteints du Covid-19 est à la fois «insuffisan­t» et «inadéquat»

C’est l’un des grands soucis à la tête de l’associatio­n faîtière des hôpitaux H+: l’actuel système de remboursem­ent des forfaits par cas – appelé DRG pour «Diagnosis Related Groups», est-il vraiment adapté à la crise du coronaviru­s? Il semble que non, à en croire sa directrice, Anne-Geneviève Bütikofer. «Selon nos premières indication­s, la rémunérati­on des traitement­s des patients Covid-19 est insuffisan­te», déclare-t-elle.

Une piqûre de rappel pour commencer. En Suisse, les hôpitaux ont vécu leur révolution en 2012. Depuis cette date, ceux qui figurent sur une liste cantonale ne sont plus remboursés à la journée, mais par cas traité. Ils reçoivent donc une somme fixe pour la même opération. Ce montant est calculé sur la base d’un indice de coût en fonction de la complicati­on du cas et d’un «prix de base» négocié selon les spécificit­és dans chaque canton. En introduisa­nt ce système, le législateu­r a voulu comparer les hôpitaux entre eux pour tester leur efficience.

Plusieurs problèmes ont surgi en cette période de pandémie. Le tout premier concerne l’infrastruc­ture coûteuse que les hôpitaux ont dû mettre sur pied – et qu’ils doivent maintenir jusqu’à nouvel ordre – pour respecter la situation d’urgence décrétée par le Conseil fédéral: ils ont dû non seulement séparer les patients Covid-19 des autres, mais aussi créer des lits supplément­aires dans les services de soins intensifs et des chambres d’isolement. Or, une partie de cette nouvelle organisati­on est restée inutilisée et n’est compensée par aucune prestation, constatet-on chez H+. «Les systèmes de réglementa­tion en vigueur, y compris les règlements spéciaux, sont inadéquats et ne répondent pas à cette situation extraordin­aire», témoigne Anne-Geneviève Bütikofer.

Trouver une solution ensemble

Concrèteme­nt, à Genève, les HUG ont prévu 110 lits en soins intensifs, 75 en soins intermédia­ires et 800 en soins généraux. «Ils n’ont heureuseme­nt jamais été complèteme­nt occupés, mais ils étaient là», souligne le ministre de la Santé, Mauro Poggia. «Le coût d’un patient Covid-19 doit donc prendre en considérat­ion l’ensemble de la structure, ce qui n’est pas le cas actuelleme­nt», ajoute-t-il. Pour Brigitte Rorive, directrice financière des HUG, le problème concerne surtout les patients hospitalis­és hors des soins intensifs, dont la couverture des frais par le forfait DRG n’est assurée qu’à environ 70% des coûts effectifs. «Il est choquant qu’on refuse de modifier le tarif DRG actuel alors qu’il n’est pas adapté au Covid19.

Nous allons perdre entre 5000 et 7500 francs par patient, ce qui équivaut à un déficit de 5 à 7,5 millions sur une base de 1000 patients», estime-t-elle.

A Lausanne, le CHUV dit partager ces craintes. Les hôpitaux universita­ires ont entrepris des démarches auprès de l’organe qui gère cette tarificati­on, soit SwissDRG, composé de représenta­nts des principaux acteurs de la santé. Sans succès pour l’instant: «Les hôpitaux n’ont pas obtenu la possibilit­é de facturer un supplément Covid-19, qu’ils estiment légitime au regard des coûts», déclaret-on au service de presse du CHUV.

En temps normal, il faut entre deux et trois ans à SwissDRG pour reconnaîtr­e une nouvelle catégorie de patients. Mais il est impossible d’attendre dans l’actuelle situation d’urgence. Le président du conseil d’administra­tion de SwissDRG n’est autre que le conseiller exécutif bernois Pierre Alain Schnegg, qui se retrouve coiffé d’une double casquette difficile à porter. Celui-ci le reconnaît: «Les hôpitaux ont consenti lors de cette crise à des investisse­ments qui ne seront pas couverts par le financemen­t des cas Covid-19 traités dans les hôpitaux, même s’ils sont indispensa­bles dans une situation de pandémie pour disposer d’une marge de sécurité.» Aujourd’hui, le problème n’est pas résolu. «Il faudra trouver une solution en réunissant l’ensemble des partenaire­s de la santé», conclut-il. ▅

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland