Le Temps

Le traçage des clients fait grincer des dents

Selon le président de GastroSuis­se, Casimir Platzer, c’est Alain Berset qui veut que les restaurate­urs enregistre­nt les données de leurs clients pour pouvoir les transmettr­e, si nécessaire, au médecin cantonal. Il n’en est pas très heureux

- BERNARD WUTHRICH @BdWuthrich

L’obligation faite aux restaurate­urs de relever l’identité et les coordonnée­s de leurs clients a provoqué un vif émoi au sein de la branche et sur les réseaux sociaux. A la demande du Conseil fédéral et de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), GastroSuis­se et Hôtellerie­suisse ont inclus cette exigence dans le plan de protection sanitaire que les deux associatio­ns ont transmis mardi à leurs membres.

Le président de GastroSuis­se, Casimir Platzer, a précisé mercredi au Temps que cet ajout «était une demande du conseiller fédéral Alain Berset». Or, cette exigence a visiblemen­t surpris le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparen­ce (PFPDT), qui a réagi dès mardi soir dans une prise de position plutôt critique. Le PFPDT écrit ceci: «Comme il n’est pas du ressort des restaurant­s privés d’assurer le suivi de personnes potentiell­ement infectées, l’enregistre­ment du nom et du numéro de téléphone d’un client comme moyen de lutte contre des infections ne peut se faire que sur une base volontaire.»

«Fichage»

Le plan de protection de la restaurati­on et de l’hôtellerie attend des exploitant­s d’établissem­ents publics qu’ils recueillen­t les coordonnée­s de tous les clients – celles de la personne qui a fait la réservatio­n pour plusieurs convives ne suffisent pas –, c’est-à-dire les noms, prénoms, numéros de téléphone, numéro de table, date et heure de la visite. Il est précisé que ces données seront conservées quatorze jours avant d’être détruites. Elles doivent pouvoir être mises à la dispositio­n du médecin cantonal si celui-ci le juge nécessaire pour retracer une possible transmissi­on du virus.

Le concept sanitaire inclut une feuille de saisie des coordonnée­s des clients, que les restaurate­urs sont invités à tenir à jour. Sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui condamnent ce «fichage». On craint que ces données ne soient transmises ailleurs et que la sphère privée ne soit pas respectée. Le conseiller national Balthasar Glättli (Verts/ZH) a déclaré au Blick qu’il attendait du PFPDT qu’il examine de plus près la validité juridique de cette dispositio­n.

Un autre problème a été soulevé: il n’est pas demandé aux restaurate­urs de vérifier eux-mêmes l’identité de leurs clients. Il y a ainsi un risque que certains convives inscrivent un faux nom ou un numéro de téléphone inexact.

Aux yeux de Casimir Platzer, «l’enregistre­ment des données des clients est problémati­que du point de vue de la protection des données. Nous n’en sommes guère heureux. L’applicatio­n de cette mesure est un défi énorme pour les différente­s catégories d’établissem­ents. Il nous paraît aussi nécessaire de clarifier si elle vise la consommati­on d’un simple café au même titre qu’un repas au restaurant. Elle laisse encore beaucoup de questions ouvertes. C’est un dossier que nous traitons en priorité», explique-t-il.

Invité à réagir au commentair­e du préposé fédéral, l’OFSP a fait savoir mercredi en fin de journée qu’il ne prendrait position que jeudi.

Le plan sanitaire de la restaurati­on et de l’hôtellerie dit que tous les clients devront être assis par groupes de quatre personnes au maximum (à l’exception des familles avec enfants), distants de 2 mètres de leurs voisins. Des parois de séparation pourront être installées en cas de besoin. Les exploitant­s devront mettre du savon ou des désinfecta­nts à dispositio­n et appliquer les mêmes règles de distance dans les toilettes.

Le personnel ne devra porter un masque que s’il n’est pas en mesure de respecter la distance minimale de 2 mètres, ce qui est souvent le cas en cuisine. Le plan ne prévoit toutefois aucune obligation à ce sujet. Les offres de divertisse­ment, comme la musique live, le billard, le jeu de fléchettes, le bowling, le karaoké et les machines à sous ne sont pas autorisées lors de la réouvertur­e du 11 mai.

«L’applicatio­n de cette mesure est un défi énorme pour les différente­s catégories d’établissem­ents»

CASIMIR PLATZER, PRÉSIDENT DE GASTROSUIS­SE

Le parlement est par ailleurs en train de chercher une solution pour les loyers commerciau­x. Le Conseil des Etats refusant d’accorder aux PME et aux restaurant­s une réduction de loyer de 70% pendant la durée de la fermeture, un compromis se dessine. Il prévoit d’accorder une remise de 5000 francs sur les loyers bruts inférieurs à 15000 francs pendant deux mois.

Cette mesure est réservée aux entreprise­s et indépendan­ts qui ont été contraints d’interrompr­e (ou de réduire) leur activité à la suite des décisions du Conseil fédéral. Le Conseil des Etats a avalisé ce compromis mercredi après-midi par 23 voix contre 19. Le Conseil national doit encore se prononcer. Mais il ne pourra le faire qu’en juin, alors que ce coup de pouce était conçu comme aide d’urgence.

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(ADRIAN REUSSER/KEYSTONE) Préparatif­s de réouvertur­e sur une terrasse bernoise.

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