Le Temps

Des différends aux frontières

- BORIS BUSSLINGER @BorisBussl­inger

A quelques mois d’une votation cruciale sur la libre circulatio­n, le Conseil national exige un retour à la normale rapide aux confins du pays. Soutenue par le gouverneme­nt, l’impulsion ne pourra aboutir qu’avec le concours des pays limitrophe­s

Hier, le National a demandé au Conseil fédéral d’établir une feuille de route pour rouvrir les frontières et rétablir la libre circulatio­n aussi vite que possible. «Le gouverneme­nt partage le but premier de cette motion, a souligné la ministre de la Justice, Karin Keller-Sutter. Mais nous n’avons pas toutes les cartes en main.» Un assoupliss­ement des mesures aux frontières n’a en effet de sens que s’il est fait de manière concertée avec les pays voisins, considère la conseillèr­e fédérale. Or des réticences demeurent dans certains d’entre eux. Entre des plans sanitaires différents, une hausse régionale des ressentime­nts transfront­aliers et la peur d’une deuxième vague, une foule de questions demeurent en suspens.

A commencer par l’approche que choisira la Suisse. «Un plan existe déjà», a souligné Karin Keller-Sutter. Dès le 11 mai, l’entrée, le séjour et l’accès au marché du travail suisse seront assouplis et le regroupeme­nt familial sera de nouveau possible pour les Suisses et les citoyens de l’UE. Le traitement des demandes présentées par des travailleu­rs issus de l’UE ou de l’AELE avant l’introducti­on des restrictio­ns de mars pourra aussi reprendre. De nouvelles demandes de travailleu­rs en provenance de ces deux entités territoria­les pourront ensuite recommence­r à être traitées dès le 8 juin – «si la situation épidémiolo­gique le permet». «Mais si j’ai appris quelque chose durant la crise, a souligné Karin Keller-Sutter, c’est que tout peut changer d’un jour à l’autre.»

D’autant que l’Europe continue de batailler pour retrouver son unité, a dit la ministre: «La Suisse est un pays de transit et la réalité est que l’Allemagne n’est pas intéressée à assouplir les contrôles aux frontières suisses, car nous sommes limitrophe­s de l’Italie. La position de Berlin est claire.» Concernant la situation de couples binationau­x non mariés qui patientent à distance depuis bientôt deux mois, la libérale-radicale a rappelé que 10000 autorisati­ons spéciales avaient été délivrées par Berne depuis le début de la crise et que, là aussi, des règles similaires s’appliquaie­nt de l’autre côté de la frontière. «Comme 10% du trafic au sein de l’espace Schengen

passe par la Suisse et au vu de la situation épidémiolo­gique, un assoupliss­ement plus large doit être coordonné avec nos voisins», a-t-elle insisté. Malgré les réclamatio­ns de certains cantons frontalier­s alémanique­s (dont le sien) la Saint-Galloise a signifié que des «solutions régionales» n’étaient pour l’instant pas non plus envisageab­les.

Cap sur septembre

C’est pourtant l’une des mesures mises en avant par le think tank Foraus dans un article scientifiq­ue paru ce mercredi. Selon ce dernier, la mise en place de «zones de confiance» permettant aux régions frontalièr­es de continuer à fonctionne­r de manière similaire à l’avantcrise serait une manière de normaliser la situation avant d’envisager d’aller plus loin. Une suggestion que l’UDC ne verra pas d’un bon oeil. Seule formation à avoir refusé la motion acceptée ce mercredi, le parti a exprimé sa vive inquiétude de voir affluer chômeurs et étrangers porteurs du virus en Suisse. Alors que le Conseil fédéral a récemment décidé que la population trancherai­t l’initiative du parti qui demande l’abolition de la libre circulatio­n des personnes en septembre, le brûlant dossier frontalier continuera d’embraser les débats ces prochains mois.

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