Le Temps

Erwin Sperisen est encore et encore débouté

- FATI MANSOUR @fatimansou­r

Le Tribunal fédéral rejette la demande de révision de l’ancien chef de la police du Guatemala, condamné pour complicité d’assassinat­s. La manoeuvre de son ami d’enfance et ancien bras droit ne lui a été d’aucun secours

La mauvaise foi a des limites. C’est en substance ce qu’il faut comprendre des deux arrêts publiés ce jour par le Tribunal fédéral dans l’interminab­le affaire Sperisen. L’ancien chef de la police du Guatemala, qui faisait valoir une sorte de théorie conspirati­onniste au sein de la magistratu­re afin d’obtenir la révision de sa condamnati­on à 15 ans de prison, échoue sur toute la ligne. Javier Figueroa, son ancien bras droit, venu en renfort pour mener ce nouvel assaut, bute lui aussi sur la forteresse Mon-Repos.

Le 14 novembre dernier, après sept ans d’une bataille judiciaire acharnée, le Tribunal fédéral mettait un terme au suspense en confirmant la participat­ion complice d’Erwin Sperisen, filmé en tenue de combat sur les lieux, à l’opération de «nettoyage social» ayant conduit à l’assassinat de sept détenus de la prison de Pavon. C’était compter sans l’obstinatio­n de ses défenseurs.

Deux mois après cet arrêt, Mes Florian Baier et Giorgio Campá déposaient une demande de révision en brandissan­t un rapport dénonçant les «manipulati­ons» des enquêteurs ayant oeuvré au Guatemala. Ils invoquaien­t aussi – pour la première fois – un parti pris de la juge fédérale Laura Jacquemoud-Rossari, qui avait fait carrière à Genève, qui partageait un intérêt pour la réflexion juridique avec le père du premier procureur Yves Bertossa (lui-même visé sans succès à cinq reprises par une demande de récusation) et qui se serait donc trouvée «dans la sphère d’influence» de l’accusation.

Tout cela est balayé par le Tribunal fédéral. L’arrêt souligne tout d’abord que cette demande de récusation est tardive et qualifie de «peu crédible» l’allégation selon laquelle cette défense, si acharnée à trouver une faille dans la procédure, n’aurait accédé à ces informatio­ns que récemment, par le biais d’un article de journal. La décision fait aussi remarquer qu’Erwin Sperisen s’est bien gardé d’utiliser ce moyen contre la magistrate lorsque la décision lui était favorable (sa première condamnati­on avait été cassée). Il n’en a fait usage que «lorsque la procédure a pris un cours qui ne lui convenait pas».

Même si ce grief avait été soulevé dans les temps, ajoute Mon-Repos, il aurait dû être écarté. Après avoir passé en revue les différents allégués, l’arrêt conclut: «Considérée­s objectivem­ent et tant séparément que dans leur globalité, ces circonstan­ces ne sont manifestem­ent pas de nature à faire naître l’apparence même de la prévention.» Exit le complot, exit aussi les contradict­ions de la décision attaquée. Enfin, aucun fait nouveau digne de ce nom pour justifier une révision.

Direction Strasbourg

Une démarche originale connaît un sort identique. Javier Figueroa, acquitté en Autriche et témoin dans le procès de Genève, demandait la révocation (notion inconnue) du même arrêt dont la motivation (il était présent à Pavon et codirigeai­t le commando) porterait atteinte à son honneur. Là encore, le TF déplore la manoeuvre, juge la requête irrecevabl­e et, par surabondan­ce, écarte tous les arguments. De quoi faciliter le travail du parquet vaudois, saisi d’une plainte en diffamatio­n du même Figueroa, assisté de Mes Charles Poncet et Pierre Schifferli, contre les cinq juges fédéraux qui avaient rédigé l’arrêt.

De leur côté, Mes Campá et Baier restent convaincus que «si Erwin Sperisen avait été jugé en Autriche, en Espagne ou n’importe où ailleurs, il aurait été acquitté». La défense a désormais les yeux rivés sur la Cour européenne des droits de l’homme.

▅ Arrêt 6F_2/2020 et 6F_4/2020 des 23 et 27 avril 2020.

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