Le Temps

La crise sanitaire, un engrais pour le bio?

- SERVAN PECA @servanpeca

L’agricultur­e biologique espère que les enjeux d’autosuffis­ance et de régionalit­é révélés ces dernières semaines serviront à accélérer son essor. Le bio détient désormais 10% des parts de marché. Il en veut 15% en 2025

Les agriculteu­rs ne sont pas les infirmiers. Mais ils font partie de ces métiers essentiels dont le rôle a été remis en lumière par la crise sanitaire. «Jamais je n’aurais pensé que l’agricultur­e puisse prendre tout à coup une si grande importance. Elle a obtenu beaucoup de respect de la part de la population», s’est réjoui mercredi Urs Brändli, le président de Bio Suisse.

L’organisati­on de défense de la production biologique présentait son bilan 2019. L’occasion aussi, pour Bio Suisse, de publier des chiffres encouragea­nts pour ce segment alimentair­e. Année après année, celui-ci devient une habitude des consommate­urs suisses. Avec une dépense annuelle de 377 francs par habitant – pour des ventes totales de 3,2 milliards de francs l’an dernier –, les Suisses sont les champions du monde en la matière, aime à rappeler Bio Suisse.

Et ce n’est plus seulement grâce aux Alémanique­s, qui ont longtemps eu un temps d’avance. Pour la première fois, la part du marché du bio en Suisse romande est plus élevée qu’outre-Sarine: 10,5%, contre 10,4% (et 8,9% au Tessin). «Ce n’est pas parce que nous y avons intensifié la promotion ou les actions spécifique­s, précise le responsabl­e romand de Bio

Suisse, Pascal Olivier. C’est le résultat de la volonté des consommate­urs.» Ce à quoi il faut ajouter une baisse des importatio­ns d’aliments bios venus de France, dont la production est de plus en plus consommée sur leur propre territoire.

Les cantines et les pendulaire­s

Saisonnali­té, régionalit­é, durabilité. Trois principes que soutient et que répète Bio Suisse à l’envi. Et qui, avant même que ne débute cette crise durant laquelle les ventes de ces produits ont progressé de 30%, ont permis au bio de se faire sa place. Côté offre, il y a 7300 fermes et exploitati­ons qui produisent selon le cahier des charges de l’organisati­on. C’est 300 de plus qu’à la fin de 2018, dont 84 en Suisse romande. Un sixième des surfaces agricoles utilisées dans le pays est désormais dévolu à ce type de cultures.

Les produits frais restent les plus demandés. Environ un quart des oeufs, des pains et des légumes vendus en Suisse sont bios. Pour l’instant, les aliments préemballé­s n’atteignent que 7,4% de parts de marché. Mais d’autres denrées connaissen­t un réel succès. En ce moment, c’est par exemple le cas du lait et du beurre. A tel point que l’offre peine à suivre la demande. Pour éviter les goulets d’étrangleme­nt, il a donc été décidé d’annuler, à partir du 1er juin, les listes d’attente pour les nouvelles fermes bénéfician­t du label Bourgeon.

Si l’organisati­on ne veut pas attendre, c’est parce qu’elle a des objectifs pour 2025. Parmi eux, une part de marché de 15%. Pour y arriver, l’accent sera par exemple mis sur les plats à l’emporter, les rayons des shops de stations-services, les kiosques et la restaurati­on collective.

C’est le prochain défi de la branche: faire en sorte que le retour à la normalité, tant en termes de travail que de pendularit­é, ne se fasse pas au détriment des produits plus durables. Au contraire, Bio Suisse espère que l’expérience du Covid19 aura modifié les habitudes de consommati­on de manière permanente. Et peu importe si personne n’applaudit les agriculteu­rs, chaque soir à 21 heures.

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