Le Temps

Vols annulés, une dette colossale pour l’aviation

- RAM ETWAREEA @rametwaree­a

L’Union européenne est tentée de modifier la loi qui oblige les compagnies aériennes à rembourser les billets non utilisés. La Suisse, où EasyJet et Swiss en appellent à la patience des passagers lésés, appliquera la décision européenne

Encore un casse-tête lié au Covid19. Entre mi-mars et avril 2020, l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC) a enregistré pas moins de 500 plaintes de passagers dont les vols ont été annulés à cause de la pandémie. Et ce n’est qu’un début. Avant de frapper à la porte des autorités, plusieurs milliers de passagers lésés se battent d’abord avec les compagnies aériennes pour obtenir un remboursem­ent de leurs billets d’avion inutilisés. Concernés au premier plan, tant Swiss qu’EasyJet, les deux principaux transporte­urs aériens en Suisse, ne sont même pas en mesure de préciser l’ampleur du problème au Temps et appellent leurs clients à la patience.

La directive suisse en la matière est claire. Reprise de l’Union européenne (UE) et en vigueur depuis 2006, elle impose aux compagnies aériennes qui annulent un vol de proposer un vol alternatif. Si celui-ci ne convient pas au passager, le billet doit être remboursé dans les sept jours. Chaque année, l’OFAC traite entre 2000 et 3000 réclamatio­ns, sauf en 2018 (7000) et 2019 (6200).

Centres d’appels saturés

«A ce stade, nous ne disposons que de quelques semaines de données, de sorte que les chiffres précis ne sont pas encore clairs», répond EasyJet. Le transporte­ur low cost, qui dessert 154 destinatio­ns à partir de Genève, de Bâle et de Zurich, entend suivre la directive suisse à la lettre. Mais, dans la pratique, les passagers lésés peinent à atteindre ses services d’annulation. La compagnie en est consciente et évoque le grand nombre de réclamatio­ns et le travail difficile en raison des conditions de confinemen­t dans les centres d’appels internatio­naux. La compagnie propose aussi des bons de voyage valables entre douze et dix-huit mois.

Swiss ne rembourse pas à ce stade. Les clients n’ont pas à s’engager sur une nouvelle date de voyage. Les billets conservent leur validité et leur valeur et peuvent être utilisés pour un autre voyage à faire avant le 30 avril 2021. Les clients qui opteront pour une nouvelle date d’ici à la fin 2020 bénéficier­ont d’une réduction de 50 francs. Les billets peuvent également être convertis en bons de vol. «Nous nous efforçons d’ajuster nos capacités pour traiter les demandes, s’excuse Swiss. Mais les délais d’attente restent néanmoins importants, ce qui peut entraîner un retard dans la prise en charge des requêtes des clients.»

Modifier la législatio­n

Ce chaos n’est pas propre à la Suisse. Selon l’IATA, qui regroupe les transporte­urs aériens, près de 4,5 millions de vols ont été annulés jusqu’au 30 juin 2020. En Europe, ce sont 90% de vols qui n’ont pas décollé de mi-mars à mi-avril. Selon une estimation faite en mars, les compagnies aériennes devraient rembourser au total 35 milliards de dollars, dont 10 milliards pour les européenne­s. Mission quasi impossible, dans la mesure où le secteur a déjà enregistré un manque à gagner de 89 milliards de dollars et qui en appelle à de l’aide publique pour pallier son manque de liquidités. Par rapport à l’Asie ou aux Etats-Unis, la situation est particuliè­rement grave en Europe, y compris en Suisse, où la législatio­n oblige le remboursem­ent de billets non utilisés.

Les compagnies aériennes devraient rembourser au total 35 milliards de dollars, dont 10 milliards pour les européenne­s

Pour l’IATA, il y a une solution: modifier la législatio­n. C’est effectivem­ent la piste que suivent une quinzaine de gouverneme­nts européens, y compris l’Allemagne, la France et l’Italie. Ces derniers ont entamé une procédure pour permettre aux compagnies aériennes d’offrir des bons au lieu de rembourser les vols annulés. Cette propositio­n met la Commission européenne, qui se veut la gardienne des droits de consommate­urs, en porte-à-faux.

La Suisse, sans avoir voix au chapitre, reprendra automatiqu­ement la décision européenne.

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