Le Temps

Un projet de banque numérique est lancé à Genève

- SÉBASTIEN RUCHE t @sebruche

Issue du groupe Reyl, Alpian se concentrer­a sur les clients dits «mass affluent», c’està-dire ayant entre 100 000 et 1 million de francs à investir. Avec un mélange de technologi­e et de contact humain pour se différenci­er

Une nouvelle banque devrait voir le jour à Genève l’an prochain. Issue d’un projet incubé par le groupe Reyl, Alpian veut se concentrer sur la clientèle dite «mass affluent», c’est-à-dire disposant de 100000 à 1 million de francs à investir. L’entité annonce avoir levé 12,2 millions de francs auprès d’investisse­urs institutio­nnels suisses et européens. Une demande de licence bancaire complète a été déposée le 30 avril. Si ce sésame est accordé, Alpian pourrait lancer ses opérations au premier semestre 2021.

Les clients «mass affluent», ce sont des «gens aisés pauvres», c’està-dire plus fortunés que la moyenne mais pas suffisamme­nt pour vraiment intéresser les banques de gestion de fortune, qui ciblent surtout les multimilli­onnaires.

Mais pris collective­ment, ces individus représente­raient un marché de 660 milliards de francs, selon des études commandées par la banque Reyl. Après dix-huit mois d’incubation, son projet impliquant une douzaine de collaborat­eurs a pris une certaine indépendan­ce, dans des locaux séparés de ceux de la banque.

L’offre, réservée aux clients suisses, «combinera les services bancaires quotidiens comme une carte de débit ou des paiements électroniq­ues et des services de gestion de fortune», décrit Schuyler Weiss, directeur général d’Alpian et ex-responsabl­e du numérique chez Reyl depuis 2018. En pratique, «une app mobile permettra d’envoyer des propositio­ns d’investisse­ment formulées par un moteur d’intelligen­ce artificiel­le, puis le client pourra organiser une téléconfér­ence avec un conseiller s’il le souhaite», précise l’Américano-Suisse, passé par IBM et Morgan Stanley à New York.

Clients potentiell­ement très rentables

Pour la gestion de fortune, Alpian offrira des fonds thématique­s «qui ne seront pas limités aux produits Reyl», et effectuera dans un premier temps du conseil et de l’exécution des ordres des clients, selon Schuyler Weiss.

«Ce segment de clientèle est très intéressan­t, car il a été historique­ment très rentable pour les banques qui ont su industrial­iser leur service, analyse Philippe Perles, consultant en organisati­on bancaire chez Noveo Conseil. Par le passé, les banques y parvenaien­t en offrant à ces clients une gestion basée sur des produits simples comme des fonds ou des ETF, et en limitant le temps passé par les collaborat­eurs. La numérisati­on permet d’apporter davantage de côté humain dans la relation avec ce type de clients, un aspect qui a pu être manquant.»

Ce segment de clientèle est déjà visé par une large gamme d’établissem­ents, des grandes banques aux néobanques comme Revolut ou N26, en passant par les plateforme­s de trading comme Swissquote. Avec des offres et des tarifs différents. «Nous ne serons pas les moins chers du monde, mais nous visons le meilleur rapport qualité-prix pour le service rendu», observe encore Schuyler Weiss.

A travers Alpian, le groupe Reyl veut donc construire une offre dédiée pour ces clients «mass affluent», qui pourraient un jour bénéficier des services de la banque privée du groupe, résume Pasha Bakhtiar, associé de Reyl et président de la nouvelle entité. Alpian n’est pas une filiale de Reyl comme peut l’être Asteria, lancée en octobre 2019 pour effectuer des investisse­ments d’impact, mais un «spin-off», une émanation du groupe, qui a nécessité plusieurs millions d’investisse­ment, selon Pasha Bakhtiar. Le groupe Reyl vise à terme à en être actionnair­e minoritair­e, au gré des prochaines levées de fonds prévues plus tard cette année et en 2021.

Créer une banque, combien ça coûte?

La grande question reste de connaître le coût total d’une banque numérique. D’un côté, la technologi­e permet d’industrial­iser les processus et donc de limiter les coûts de fonctionne­ment. De l’autre, les développem­ents doivent être permanents, ce qui nécessite d’investir massivemen­t et en continu.

A titre de comparaiso­n, la fintech zurichoise Numbrs Personal Finance a levé plus de 200 millions de francs d’investisse­ment pour créer une plateforme mettant en relation des clients et des produits financiers d’autres établissem­ents. Avec moins d’interventi­ons humaines que ce que prévoit le projet Alpian, a priori, et donc moins de coûts. Numbrs est désormais valorisée à plus de 1 milliard de francs, ce qui en fait l’une des rares «licornes» suisses.

Selon un spécialist­e du secteur, un projet de banque comme Alpian coûtera probableme­nt entre 80 et 100 millions de francs. «Le fait de débuter en Suisse, sur un marché très bien connu, devrait limiter les coûts du projet à des montants inférieurs», répond encore Pasha Bakhtiar.

Une possibilit­é pour amortir un tel investisse­ment serait de proposer cette plateforme en marque blanche à d’autres banques de la place. Cela leur permettrai­t de mieux servir leur clientèle «mass affluent» tout en restant leur principal prestatair­e, et en partageant les revenus avec Alpian. «Nous avons pensé à cette possibilit­é, mais elle n’est pas prévue à ce jour», conclut notre interlocut­eur.

«Nous ne serons pas les moins chers du monde, mais nous visons le meilleur rapport qualitépri­x pour le service rendu»

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SCHUYLER WEISS DIRECTEUR GÉNÉRAL D’ALPIAN

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